Au lendemain de l'annonce de l'acteur de vouloir renoncer à sa nationalité, la classe politique française est partagée. Alors que le gouvernement serre les rangs autour de Jean-Marc Ayrault, l’opposition stigmatise la matraque fiscale de l'État.
La décision de Gérard Depardieu de rendre son passeport français a déclenché un affrontement politique digne des scènes de bagarre générale ponctuant les aventures des irréductibles Gaulois d'"Astérix".
S’estimant injurié par les déclarations du Premier ministre Jean-Marc Ayrault ,dénonçant le caractère "minable" de son exil fiscal en Belgique, Gérard Depardieu a répliqué en publiant une lettre ouverte dans le "Journal du Dimanche" annonçant son souhait de renoncer à la nationalité française.
La presse belge accueille lundi avec un mélange de prudence et d'ironie les dernières déclarations de l'acteur Gérard Depardieu, qui envisage de prendre la nationalité belge après avoir rendu son passeport français.
Le quotidien Le Soir souligne qu'obtenir la nationalité belge n'est pas aisé, rappelant que la tentative de Johnny Halliday avait échoué, alors même que le père du chanteur était Belge.
Les conditions seront encore durcies à partir du 1er janvier, puisque de cinq à dix ans de résidence seront nécessaires pour pouvoir introduire une demande de naturalisation.
Une procédure exceptionnelle permettra de s'affranchir de cette obligation pour des personnes pouvant "témoigner à la Belgique de mérites exceptionnels" dans divers domaines, notamment la culture.
Source: AFP
Plusieurs ministres ont aussitôt fait corps autour de Jean-Marc Ayrault pour dénoncer le dernier coup d’éclat d’un des acteurs français les mieux payés. Le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon a fustigé une "attitude anti-citoyenne", tandis que la ministre de la Culture Aurélie Filippetti s’est dite "tout à fait scandalisée" par le fait que Depardieu "déserte le terrain en pleine guerre contre la crise".
La formule la plus assassine est venue du très placide ministre du Travail, Michel Sapin, qui a déploré sur Europe 1 une "forme de déchéance personnelle" de Gérard Depardieu. Une manière d’inscrire implicitement l’exil fiscal du comédien français dans la lignée de ses récentes incartades avinées.
"Agression verbale"
Après un moment de flottement au moment de l'annonce du départ de Depardieu, l’opposition a saisi ce début de polémique pour dénoncer la politique fiscale du gouvernement et la taxe à 75 % sur les très hauts revenus instituée par François Hollande.
L’acteur multi-millionnaire a ainsi été décrit comme une victime du "matraquage fiscal" socialiste par le président de l'UMP Jean-François Copé, qui a accusé le locataire de l'Élysée de "piétiner les talents" et de "mettre le pays par terre." Le président du Nouveau Centre Hervé Morin a, quant à lui, déclaré que Gérard Depardieu se faisait le "porte-parole de cette majorité de Français qui ne se reconnaît pas dans la politique de découragement qui est celle du gouvernement".
La première salve a néanmoins été limitée par le caractère difficilement défendable de l’exil fiscal – Nicolas Sarkozy lui-même avait mentionné pendant sa campagne de 2012 l’idée d’une "exit tax" pour endiguer le phénomène. Plusieurs artilleurs de l’UMP ont donc concentré leurs tirs sur l'"agression verbale" à l’égard d’un monument vivant de la culture française.
Gloire de l’exil belge
Tout en soulignant que l’exil fiscal "n’était pas très glorieux", le secrétaire national de l’UMP Philippe Chuvin a ainsi dénoncé, lundi matin, la "technique léniniste du social traître" visant notamment à détourner l’attention de l’affaire Cahuzac :
L'"agression verbale dont [Depardieu] a fait l’objet de la part du Premier ministre est scandaleuse. Ayrault a choisi un bouc émissaire"
Une analyse partagée par "Le Figaro" dont la une de l'édition de lundi indique : "Affaire Depardieu : le Gouvernement Perd ses Nerfs". Un sondage sur le site internet du grand quotidien de droite soulignait la popularité intacte du comédien français auprès de ses lecteurs : sur plus de 100 000 votants, près de 80 % affirmaient "comprendre la colère de Gérard Depardieu".