Alors que s'ouvre, ce samedi, une conférence internationale sur la sûreté nucléaire à Fukushima, la question de la politique énergétique du Japon n’en finit plus de secouer la classe politique nippone et donne lieu à une belle cacophonie.
C’est dans un pays encore meurtri par la catastrophe de Fukushima (11 mars 2011) que se tient, du 15 au 17 décembre, un sommet international sur la sûreté nucléaire. La conférence a lieu à Koriyama, à moins de 100 km de la centrale accidentée. Sous l’égide de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), les représentants de quelque 50 nations et organisations viendront débattre de la sécurité nucléaire et de l’avenir de l’atome dans le monde.
L’objectif affiché de ce sommet se veut apolitique : les seules problématiques discutées concerneront le renforcement de la sécurité des populations face aux risques atomiques ou encore de l'attitude à tenir face aux accidents nucléaires et situations d’urgence. "Ce sera une nouvelle occasion de partager les connaissances et leçons tirées de l'accident de Fukushima, d'améliorer la transparence sur ce sujet, de discuter des avancées sur la sécurité des installations et des mesures pour protéger les personnes et l'environnement", précise l’AIEA, dans un communiqué.
"Zéro nucléaire"
Exit, donc, les questions qui fâchent. Et précisément, celles de l’épineux dossier de la "politique énergétique nippone". Il faut dire qu’aucun consensus à propos d’une seule et même ligne de pensée sur l’avenir du nucléaire au Japon n’a, jusqu’à présent, fait l’unanimité. Bien au contraire : depuis le drame de Fukushima, c’est plutôt un charivari politique auquel assiste la population. Quand le Parti démocrate du Japon (PDJ), au pouvoir depuis 2009, fait l’apologie de la politique "zéro énergie nucléaire" et promet une sortie progressive et définitive du nucléaire d’ici à 2040, le Premier ministre, Yoshihiko Noda, affirme lui, haut et fort, que la relance de certains réacteurs est nécessaire et donne son autorisation - c'était le 16 juin dernier - au redémarrage de deux d'entre eux dans l’ouest du pays. D'où le sentiment qu’un consensus autour d’une politique énergétique nationale relève plus d'une gageure que d’un objectif réel.
Et le flou ambiant exacerbe les passions, du sommet de l’État jusque dans la rue. Persuadés qu’à long terme les centrales vont redémarrer, les militants anti-atome n’ont jamais désarmé depuis la catastrophe. Ragaillardis par un sondage réalisé en juin affirmant que 70 % de la population nippone est hostile au développement de l’énergie nucléaire, ils organisent quotidiennement des sit-in et des manifestations dans les rues de la capitale japonaise. Preuve de leur persévérance, des associations avaient même annoncé, en février, avoir recueilli assez de signatures (environ 250 000) pour réclamer à la municipalité de Tokyo un référendum sur le maintien de l'usage des centrales nucléaires pour alimenter la mégapole en électricité - bien que l'initiative soit restée lettre morte.
Sortir du nucléaire : "irréaliste et irréalisable"
Une notoriété des anti qui a donc de quoi inquiéter le lobby industriel - japonais et étranger - confronté pour la première fois de l’histoire du Japon à une idéologie "verte" nippone. Hiromasa Yonekura, président du Keidanren - la principale organisation patronale qui dépend largement des subsides des compagnies d'électricité -, qualifie d’"irréaliste et irréalisable" la sortie du nucléaire. Comme lui, les détracteurs du "zéro nucléaire" aiment jouer les Cassandre et rappeler que l'abandon définitif de l’atome dans un pays dépourvu de richesses naturelles se traduirait inévitablement par une catastrophe économique : une hausse des coûts d’importation des énergies fossiles et un doublement de la facture d'électricité des consommateurs. Rappelons qu’avant l’accident de Fukushima, le Japon prévoyait d’élever à plus de 50 % la part du nucléaire dans sa production d’électricité (contre 26 % en 2009).
Et au milieu de cette cacophonie, les élections législatives, qui se tiennent - ironie du calendrier - dimanche 16 décembre, n'apportent pas plus de clarté. Une myriade de nouvelles formations politiques rivalisent de propositions sur l’art et la manière d’abandonner l’énergie atomique, la palme revenant au parti L’Avenir du Japon qui propose de sortir le pays du nucléaire en 10 ans ! Quant au grand favori du scrutin, le Parti libéral démocrate (PLD, droite), réputé pour ses affinités avec les entrepreneurs, a tout bonnement balayé le problème. Conscient qu’en pleine campagne électorale il fallait mieux éviter les dossiers empoisonnés, le PLD, qui a monopolisé la vie politique du Japon pendant plus de 50 ans, a relégué la question du nucléaire en 5e position de son programme, loin derrière la reconstruction post-Fukushima, l’économie, la diplomatie et l’éducation.