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400 000 emplois supprimés au premier semestre, selon l'Insee

L'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) prévoit une baisse d'activité en France de 1,5 % au 1er trimestre, puis de 0,6 % au deuxième. Cette chute devrait se solder par la destruction de 400 000 emplois.

REUTERS - L'Insee brosse un sombre tableau de l'économie française dans sa note de conjoncture de mars, tablant désormais sur une baisse d'activité de 1,5% au premier trimestre puis de 0,6% au deuxième, qui entraînera près de 400.000 destructions d'emplois.

Les prévisions de l'Institut national de la statistique ne vont pas au-delà de la fin juin mais son scénario central continue de suggérer implicitement un retour à la croissance en fin d'année, après la pire récession qu'aura connue l'économie française depuis le premier choc pétrolier il y a 35 ans.

Au quatrième trimestre, le produit intérieur brut s'était contracté de 1,2%. Avec la poursuite du recul de l'activité, l'acquis de croissance pour 2009 serait de -2,9% à la fin juin, ce qui signifie que la décroissance serait de cette ampleur sur l'ensemble de l'année en cas de croissance zéro sur les deux derniers trimestres.

Selon l'Insee, il faudrait une croissance de +1,9% au troisième comme au quatrième trimestres - des hypothèses peu réalistes - pour atteindre l'objectif gouvernemental de -1,5% sur l'ensemble de l'année.

Dans sa précédente note de conjoncture en décembre, l'Insee anticipait un repli du PIB de 0,8% au dernier trimestre 2008, puis de 0,4% au premier trimestre 2009 et de 0,1% au deuxième.

"Le recul de l'activité a surpris par son ampleur," a concédé Eric Dubois, chef du département conjoncture de l'Insee, en présentant à la presse la publication de mars. "Les circonstances actuelles sont assez exceptionnelles et les incertitudes sont plus grandes qu'à l'accoutumée."

Au total, l'Insee quantifie l'impact de la crise à 4,3 points de PIB pour la France, un chiffre énorme mais inférieur à d'autres pays qui subissent une crise immobilière plus forte (Etats-Unis, Royaume-Uni) ou sont plus dépendants de leur commerce extérieur (Allemagne, Japon).

En face, l'effet des plans de relance est évalué à quelques dixièmes de points.

La baisse de 1,5% du PIB attendue au premier trimestre serait sans équivalent depuis les trois premiers mois de 1975, selon l'Insee, encore que les séries statistiques ne soient pas directement comparables. Sur l'ensemble de 2008, la croissance avait été de +0,7%, après +2,1% en 2007.

La saignée continue dans l'industrie

Au premier trimestre, l'industrie restera la plus touchée par la crise, au prix de pertes d'emplois massives, mais la consommation devrait faire de la résistance grâce à la désinflation qui préserve le pouvoir d'achat.

Confrontées à la faiblesse de la demande intérieure et étrangère - l'Insee prévoit une chute de 5,6% du commerce mondial au premier trimestre - les entreprises continueront de rogner sur l'investissement qui devrait chuter de 5,1% au premier trimestre et encore de 3,4% au deuxième, pour un acquis 2009 de -8,8% à la fin juin.

Les conditions de financement toujours difficiles ne les inciteront pas non plus à investir, tout comme leurs capacités excédentaires. Le taux d'utilisation des capacités est actuellement à 76%, trois points et demi en dessous du niveau atteint à l'occasion de la récession de 1993.

Le fort mouvement de déstockage qui a amputé la croissance de 0,9 point au quatrième trimestre devrait en outre se prolonger avec une contribution négative de 0,6 point au PIB du premier trimestre puis de -0,2 point au deuxième.

La production manufacturière, en baisse de 7,6% au quatrième trimestre 2008, chuterait encore de 7,0% au premier trimestre et de 3,0% au deuxième, pour un acquis 2009 de -15% à fin juin.

Conséquence du repli de l'activité, le marché du travail devrait perdre 333.000 emplois au premier semestre, un chiffre qui atteindrait même 387.000 dans le secteur marchand non agricole (197.000 au premier trimestre, 190.000 au deuxième).

Le recul de l'emploi s'accélérerait dans l'industrie mais aussi dans les services, notamment dans l'intérim dont l'automobile et la construction sont fortement utilisateurs.

La construction, grand pourvoyeur d'emplois ces dernières années, commencerait aussi à en perdre en 2009.

Le pouvoir d'achat résiste

Le taux de chômage, qui avait baissé de deux points entre le début 2006 et le début 2008, devrait poursuivre sa remontée amorcée fin 2008 pour atteindre 8,8% en France métropolitaine au deuxième trimestre 2009, soit une hausse d'un point en six mois.

Malgré les destructions d'emplois qui feront baisser les revenus d'activité, l'Insee s'attend à ce que le pouvoir d'achat des ménages progresse légèrement (+0,2% au premier trimestre, +0,3% au deuxième) grâce au dynamisme des prestations sociales et à la désinflation.

Le taux d'inflation, redescendu à 1,0% fin 2008 après avoir culminé à 3,6% pendant l'été, devrait même passer temporairement en territoire négatif (-0,6% à fin juin) mais l'Insee écarte le risque d'une déflation, définie par un recul durable et généralisé des prix qui finit par paralyser l'activité.

La résistance du pouvoir d'achat permettrait à la consommation de progresser encore légèrement (+0,2% au premier trimestre, +0,1% au deuxième) même si la dégradation du marché du travail et l'incertitude des perspectives de revenus favorisent une épargne de précaution.

L'Insee souligne que ses prévisions sont entourées d'aléas notables. La crise financière continue de faire sentir ses effets et les établissements bancaires auront en outre à pâtir des effets de la récession sur les entreprises et les ménages.

S'agissant des plans de relance, "leur calendrier est incertain et il est difficile d'anticiper dans quelle mesure les ménages confrontés à la hausse du chômage et à l'incertitude pourraient décider d'épargner les sommes qui leur seront distribuées", a noté Benoît Heitz, chef de la division synthèse conjoncturelle de l'Insee.

Les prévisions intègrent malgré tout un début d'effet des plans de relance, tant en France qu'à l'étranger, à partir du deuxième trimestre après le point bas du début de l'année.

"Nous espérons que la croissance se redressera au deuxième semestre mais cela ne vaut ni engagement ni même prévision. Il faut être conscient que l'incertitude reste forte," a conclu Eric Dubois lors de la conférence de presse.