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Plus de 21 millions d'électeurs ont voté, ce jeudi, pour les conseils municipaux et départementaux. Un scrutin sans enjeu, dont l’abstention est déjà assurée de sortir vainqueur.

Voter ou s’abstenir ? Pour de nombreux Algériens, la question ne se pose même plus. Le Front de libération nationale (FLN), le parti présidentiel au pouvoir depuis cinquante ans, a eu beau encourager les 21 millions d’électeurs à aller voter, jeudi 29 novembre, pour les élections locales en accordant "une autorisation spéciale d’absence rémunérée" à tous les salariés, rien n’y a fait. À 13h, heure locale, le taux de participation était de 14,63 % contre 19 % en 2007 à la même heure, selon le ministère de l’Intérieur. Exit les taux de participation brejneviens des années 1990 : le premier parti politique en Algérie est désormais l’abstention.

"S’abstenir est un acte politique en Algérie", analyse pour FRANCE 24 Lahouari Addi, sociologue et professeur à l’Institut de sciences politiques de Lyon. "De manière générale, les Algériens savent que les partis politiques sont artificiels et qu’ils ne sont pas représentatifs, même si les élections ne sont pas forcément truquées", ajoute-t-il.

Les 52 formations politiques et les 197 listes indépendantes en lice n’ont pourtant pas lésiné sur les moyens pour séduire les électeurs. Meetings, spots publicitaires dans les médias incontournables, collages massifs d’affiches - parfois de manière sauvage - permanences, etc. En vain. Les Algériens n’ont pas été convaincus.

Des candidats souvent "opportunistes"

"Les mairies n’ont pas de pouvoirs directs", insiste le sociologue. "Pour refaire un trottoir défoncé à Oran, l’autorisation doit venir du ministère de l’Intérieur, à Alger. Les Algériens ne veulent tout simplement pas participer à la mascarade electorale", tranche-t-il.

Autre facteur important pour expliquer le phénomène : le profil des prétendants. En épluchant les listes, le quotidien arabophone Ennahar a constaté que les candidats n’étaient pas toujours des enfants de chœur. Loin de là. Dans son édition du 11 novembre, le journal a ainsi révélé que plusieurs têtes de liste des villes de Khenchela et de Tlemcen avaient été condamnées pour viol sur mineure, détournement de biens publics et trafics en tous genres. Tous graciés par le président Abdelazziz Bouteflika en 2011, selon Ennahar.

"Les scrutins locaux attirent des opportunistes et des  personnes corrompues qui y voient le moyen de s’enrichir", confirme Lahouari Addi. "Quelque 80 % des élus sont impliqués dans des affaires de détournement de biens fonciers. Il n’y a pas de notion de service public."

Le profil de l’abstentionniste semble, lui, de plus en plus facile à établir. D’après une enquête de l’institut Okba Com menée au lendemain des élections législatives de mai et publiée par le quotidien algérien Liberté, 76,9 % des abstentionnistes avaient entre 18 et 39 ans.

"Les Algériens qui vont voter pensent que, s’ils ne le font pas, ils ne pourront pas refaire leurs papiers d’identité ou obtenir un extrait d’acte de naissance à la mairie", insiste le sociologue. C’est une peur infondée. On ne peut pas refuser des papiers à près de 80 % de la population ! ", ironise-t-il.

Le FLN assuré d’une victoire "écrasante"

Reste que l’issue du scrutin laisse peu de place au suspense. L’omnipotent FLN est d’ores et déjà assuré d’une victoire, qu’il souhaitait "écrasante".

Mais, pendant toute la campagne, si la majorité des formations en lice ont mis en garde contre le risque de fraude, seul le chef historique du Front islamique du salut (FIS), aujourd’hui dissout, Abassi Madani a appelé, depuis son lieu de résidence qatari, au "boycott massif de ce scrutin".

"Même si on ne sait pas ce qu’ils représentent vraiment dans l’opinion", ajoute Lahouari Addi, " les islamistes diront que les Algériens ont répondu à leur mot d’ordre".