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Le rapport annuel sur la répartition des richesses en Allemagne a, d’après le quotidien "Süddeutsche Zeitung", été fortement remanié par le gouvernement pour donner une image moins inégalitaire du pays.

Cachez cette pauvreté que le gouvernement allemand ne saurait voir... ni surtout montrer. Une première version du rapport annuel sur la répartition des richesses, qui doit paraître début 2013, a été retouchée par Berlin, affirme mercredi 28 novembre le quotidien de gauche “Süddeutsche Zeitung”.

Des modifications qui ne concernent pas uniquement la forme ou des points de détail mais bien des passages substantiels afin de minimiser l’image d’une Allemagne de plus en plus inégalitaire. C’est ainsi que les deux versions consultées par le journal munichois diffèrent dès l’introduction. Le document original indique que “tandis que les salaires des tranches supérieures de la population ont augmenté, les revenus de ceux qui gagnent le moins ont baissé ces dix dernières années notamment par rapport à l’inflation”. En clair, les inégalités se sont créusées.

La version remaniée tire une conclusion bien différente : elle contrebalance la baisse du pouvoir d’achat par une “’amélioration structurelle du marché du travail”. Le nouveau document se félicite ainsi que davantage de personnes gagnant peu d’argent aient pu trouvé des CDI entre 2007 et 2011...

Les auteurs du rapport ont dû également être étonnés de ne plus voir apparaître leur mise en garde contre un risque “d’éclatement de la cohésion sociale” à cause de la paupérisation des familles monoparentales. En lieu et place de cet avertissement, la nouvelle mouture de cette étude de 500 pages affirme simplement que cette baisse des revenus des mères ou pères seuls “est un point critique”.

Des travailleurs pauvres qui disparaissent

Mais le ou les correcteurs n’ont pas fait que reformuler pour édulcorer. Ils ont même, d’après le "Süddeutsche Zeitung", carrément effacé certaines données du rapport. La mention des plus de quatre millions de personnes qui, en 2010, disposaient d'un salaire horaire brut de moins de sept euros a tout simplement disparu. Par comparaison, le smic horaire brut en France est de 9,40 euros.

Autant de conclusions qui égratinent sérieusement l’image d’une Allemagne économiquement en forme au milieu d’un océan européen en perdition. Une étude de l’Organisation internationale du travail avait déjà tenté, en janvier 2012, de démontrer que Berlin avait décidé de sacrifier sa demande interieure pour tout miser sur les exportations. Le nouveau rapport annuel souligne donc les conséquences sociales de ce choix de développement économique.

Pourtant ce document de travail a été rédigé par des fonctionnaires du ministère allemand du Travail et des Affaires sociales. Il semblerait, en fait, que le texte original soit resté en travers de la gorge du ministre de l’Économie, Philip Rösler, qui appartient au FDP, l’allié libéral de la CDU (parti chrétien-démocrate) d’Angela Merkel. D’après le quotidien " Frankfurter Rundschau", il aurait estimé que les conclusions du rapport ne correspondaient pas à “l’avis du gouvernement”.

Ce couac qui résulterait donc d’une guéguerre entre l’aile libérale et la tendance plus sociale du gouvernement a été vertement critiqué par le syndicat de travailleurs Deutsche Gewerkshaftsbund. Il faut sortir de cette logique “qui permet au gouvernement d’amender et d'enjoliver les rapports qu’il fait réaliser”, assure ainsi Annelie Buntenbach, la porte-parole de la centrale, pour qui ces études sensibles doivent être réalisées par des instituts indépendants.