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Au lendemain de la première conférence de presse présidentielle de François Hollande, les médias français sont largement revenus mercredi 14 novembre sur le grand oral du chef de l’État. Une "opération séduction" globalement réussie sur la forme.

Une opération reconquête réussie. Du moins auprès de la presse française. François Hollande a passé son grand oral, et plutôt avec brio, à en croire l’ensemble des titres ce mercredi 14 novembre. En première ligne, "Libération" chante les louanges d’un président qui, pour sa première conférence de presse "était dans son costume". "Hollande a enterré une fois pour toute la présidence normale. Mieux, il a su trouver des accents mendésistes pour dire, 'dans la vérité' et 'dans la clarté', la gravité de la situation dans laquelle se trouve le pays", estime Vincent Giret dans son édito. "Il a été de très loin le meilleur avocat de l’action de 'redressement' que conduit le gouvernement […] Certains y verront même […] l’amorce d’une mutation audacieuse de la gauche à la française", ajoute-t-il, avant d’adopter un ton un brin moins enthousiaste en regrettant "que le président se soit arrêté au milieu du gué sur plusieurs sujets décisifs", entendre l’Europe, la dépense publique et le vote des étrangers.

"François Hollande s’est présidentialisé"

Dans "La Croix", l’éditorialiste François Ernenwein rappelle que "ce rendez-vous médiatique avait aussi pour fonction de renforcer l’image de François Hollande, le montrer plus impliqué, moins distant, plus visionnaire face aux défis, d’abord économiques, auxquels la France est confrontée". Mission accomplie, notamment aux yeux de Michel Urvoy, dans les colonnes de "Ouest-France" : "Sur la forme, François Hollande s’est présidentialisé, sans rompre avec un humour assez bien dosé. Que l’on soit d’accord ou non avec sa politique, il a su donner une cohérence à une addition plus ou moins désordonnée de promesses et de décisions. Il a rompu avec une impression de flottement qui a entouré certains arbitrages. Il a affirmé son autorité sur le gouvernement ". Même impression pour Dominique Seux, dans "Les Échos" : "Sur la forme, le chef de l’État s’est montré solide, évitant toute annonce spectaculaire qui aurait 'pollué' cette opération séduction des médias".

François Hollande était particulièrement attendu sur le dossier économique. La semaine dernière, il a opéré une sensible inflexion de sa politique en acceptant une augmentation de la TVA, taxe honnie par la gauche, et des crédits d’impôts aux entreprises, dans le cadre de son plan de compétitivité. "Il y a six mois, les socialistes ricanaient lorsqu’on leur parlait du coût du travail. Ils en font désormais, et c’est heureux, l’alpha et l’oméga de leur politique", constate, railleur, Paul-Henri du Limbert en une du "Figaro". Pourtant, là où même Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances, voyait la semaine dernière "une révolution copernicienne" pour la gauche française, François Hollande ne voit aucun tournant. Ce qui n’a pas manqué d’étonner "Le Parisien/Aujourd’hui en France". "À l’écouter, [François Hollande] n’aurait commis aucune erreur, pas même pris de ‘virage’ économique sur la TVA", ironise le quotidien. "Le tournant, c’est pas maintenant…", titre d’ailleurs "le Figaro", narquois.

Sur le fond, Hollande convainc moins

Si, sur le style, Hollande a séduit, sur le fond en revanche, les critiques sont rudes. "En matière économique, les choses sont moins nettes […]. Force est de reconnaître que les mots ont été trop vagues et généraux pour qu’ils soient crus sur parole", constate "les Échos". "Il faut parler de rigueur, d’efforts, de sacrifices, de réformes et mener évidemment la politique qui va avec, qui n’a rien à voir avec la politique qu’il [François Hollande, ndlr] prônait en mai. Il doit brusquer son camp ? Évidemment, oui, mais il n’a pas le choix et la France ne peut plus attendre", renchérit, alarmiste, l’éditorialiste du "Figaro".

À l’extrême opposé de l’échiquier politique, l'"Humanité" ne cache pas non plus son dépit à l’égard des déclarations présidentielles. Loin des velléités rigoristes de la droite, le quotidien de la gauche de la gauche regrette, lui, que "les têtes de chapitre du programme présidentiel [soient] restées sur la table, mais vides". "Comme une fois la promesse envolée, reste la chrysalide", ose Patrick Appel-Muller, lyrique, dans son éditorial. "Hier, au Bourget, il fallait résister aux marchés financiers ; désormais 'il faut assurer la crédibilité de la France' devant leur évaluation", regrette-t-il, avant de poursuivre : L'"électorat de gauche […] risque de ne pas trouver dans ce plaidoyer pro domo la réassurance que sa voix sera respectée. L’emploi et la croissance seraient les premiers à pâtir d’une docilité à l’égard des marchés financiers et de la droite qui ne cessent de réclamer des coupes claires dans les dépenses publiques et sociales". Puis, après avoir appelé les "syndicalistes, les progressistes, les militants de gauche qui ne se résignent pas à ce que l’histoire bégaie" à se mobiliser, il conclut : "À la porte des choix politiques, l’espérance le dispute à la résignation lasse".