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La famille Merah entre condamnation et fierté

Alors qu'Abdelghani, l'aîné de la fratrie Merah, dénonce la dérive islamiste du tueur au scooter dans un livre à paraître mercredi, sa sœur Souad, qui se dit "fière" de Mohammed Merah, est elle visée par une enquête pour "apologie du terrorisme".

"Je suis fière de mon frère, il a combattu jusqu'au bout [...]. Je pense du bien de Ben Laden, je l'ai dit aux flics, je peux te le dire à toi". Ces mots sont ceux de Souad Merah, la sœur du tristement célèbre Mohamed Merah, l'auteur des tueries de Toulouse et Montauban en mars dernier. Elle tient ces propos dans le cadre d’une conversation avec son frère Abdelghani, alors qu’elle est filmée à son insu pour un reportage diffusé sur la chaîne M6 dimanche 11 novembre. Elle ne cache pas son antisémitisme. "Les juifs, et tous ceux qui massacrent les musulmans, je les déteste", dit-elle. "Les salafistes, ils agissent. Moi et (Abdel)Kader, on soutient les salafistes. Mohamed a sauté le pas. Je suis fière, fière, fière", crie-t-elle. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour "apologie du terrorisme".

Condamnant "avec la plus grande fermeté" les propos de la jeune femme, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a estimé lundi 12 novembre dans un communiqué qu’ils constituaient une "apologie du terrorisme et de l’antisémitisme et une provocation à la haine religieuse et raciale". Selon lui, "elles expriment et propagent une idéologie primaire et violente, caractéristique d'une dérive de nature sectaire, contraire aux valeurs fondamentales de la République".
"Ces propos sont une insulte à la mémoire des victimes de Mohamed Merah, ainsi qu'à leurs familles, auxquelles le ministre tient à apporter son entier soutien", poursuit le communiqué. 
"Élevé dans la violence"           
Abdelghani Merah, l’aîné de la fratrie, n’est pour sa part pas sur la même longueur d’onde. Dans un livre à paraître mercredi 14 novembre, il revient sur ses origines et sur le cadre familial dans lequel a évolué celui qui en mars 2012 a abattu sept personnes, trois paramilitaires à Montauban et un rabbin et trois enfants juifs à Toulouse.
"Je vais expliquer de quelle façon Mohammed a été élevé par mes parents, dans une atmosphère de haine et de racisme, bien avant que les salafistes ne le convertissent à l’extrémisme religieux", écrit Abdelghani Merah en introduction de son livre "Mon frère, le terroriste". "Je suis furieux contre mes parents de l’avoir élevé dans la violence et l’intolérance", écrit-il."J’en veux à ma sœur Souad d’avoir applaudi ses délires fondamentalistes, et à mon frère Abdelkader qui l’a activement encouragé", poursuit-il.
En 2003, Abdelkader n’a d’ailleurs pas hésité à frapper Abdelghani de sept coups de couteau, parce que son frère s’était engagé dans une relation avec une femme dont la famille avait des origines juives. Abdelkader Merah est la seule personne à avoir été arrêtée dans le cadre des tueries de Toulouse et Montauban. Il a été accusé d’avoir aidé son jeune frère Mohammed, âgé de 23 ans, à fomenter son plan.
Mais pour Abdelghani, toute la famille Merah partage la responsabilité des crimes qui ont bouleversé la France. "J’en veux aussi à mes oncles maternels, qui ont toujours propagé un discours de haine, de racisme et d’antisémitisme devant nous, même quand nous étions très jeunes, raconte-t-il. Ma mère a toujours dit : 'Nous les Arabes, nous sommes nés pour détester les juifs.'" "J’ai entendu cette phrase tout le long de mon enfance", se souvient encore Abdelghani Merah au début de l’émission diffusée sur M6 .
Failles des services de renseignements
Souad Merah et son frère Abdelkader ont tous deux été placé sous surveillance par la DCRI en raison de leurs liens présumés avec des groupes salafistes. Et selon Bernard Squarcini, ancien directeur de la DCRI, ils étaient considérés comme bien plus dangereux que leur jeune frère. La DCRI avait bien gardé Mohammed sous haute surveillance durant plusieurs années jusqu’à fin 2011.
Certains proches des victimes de Merah ont avancé qu’il avait pu sevir d’informateur à la DCRI après son retour d’Afghanistan en 2010, où il pourrait, selon la police, avoir intégré un camp d’entraînement au jihad.
Une théorie pas crédible pour Abdelghani Merah. "Mohammed haïssait profondément la police et n’aurait jamais pu travailler pour ce genre d’organisation", affirme-t-il dans son livre. "C’est quelqu’un qui détestait le système tout entier. Après plusieurs années de petite délinquance, il s’est  assez simplement transformé en un islamiste fanatique avec pour but de combattre l’État français et tous ceux qu’il appelle les 'infidèles'", explique-t-il. "Toute autre théorie n’est que pure fantasme", soutient Abdelghani Merah.