Les prévisions 2012-2013 du cercle de réflexion l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dressent un bilan alarmiste de l'économie européenne avec son grand malade du moment : l'Espagne. Mais la France serait aussi en sursis.
Le sommet des chefs d'État et de gouvernement européens durant lequel ils devront se pencher sur l’union bancaire et budgétaire s’est ouvert jeudi 18 octobre à Bruxelles, alors que les perspectives économiques sont de plus en plus moroses pour la zone euro. Si on s’en tient, du moins, aux chiffres avancés par l’Observatoire français des conjonctures européennes (OFCE). Selon ce cercle de réflexion économique français, l’Union européenne (UE) ne devrait pas échapper à une recession en 2012 et 2013 (-0,5 % cette année et -0,1 % l’an prochain).
Principale fautive : l’austérité tous azimut qui s’est emparée de l'ensemble des pays de la zone euro. Cette quête effrénée pour réduire les déficits afin de rassurer les investisseurs sur la responsabilité budgétaire des États “n’a pas réussi à calmer les marchés financiers et a fait chuter l’activité dans tous les principaux pays de la zone euro”, assure Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE.
"Désintégration politique et sociale"
L’aggravation de la situation dans la zone euro s’illustre parfaitement par le glissement du centre de gravité de la crise de la Grèce vers l’Espagne. Ce n’est plus un pays de la périphérie de l’union monétaire, mais bien la troisième puissance économique qui risque de s’effondrer. “Un chômeur sur trois en Europe est aujourd’hui espagnol”, assure Xavier Timbeau.
Mais le taux de chômage de 25 % de la population active n’est pas le seul indicateur de la mauvaise santé de l’économie espagnole. Le nombre des mises en chantier dans le secteur immobilier, symbole de la croissance du pays avant la crise, a été divisé par 10 depuis 2006. Enfin, “le taux des créances douteuses détenues par les banques espagnoles s’envole à des niveaux jamais atteints (15 % de l’ensemble de leurs actifs)”, remarque Daniel Schweisguth, spécialiste de l’Espagne à l’OFCE.
Pour lui, ce tableau noir de la situation ibère fait que “la course contre la montre de l’Espagne pour réduire son déficit [à la demande de l’Union européenne] est vaine” et vouée à l’échec. En fait, la conjoncture y est tellement mauvaise que la rigueur “ne fait qu’aggraver les déficits”, constate Xavier Timbeau. À ce rythme, ajoute-t-il, “c’est la désintégration politique et sociale” qui menace l’Espagne.
22 milliards d’euros d’économies en plus
Il serait donc urgent, d’après ces tenants d’un arrêt de l’austérité en période de crise, de laisser plus de temps au temps au niveau européen. “Les efforts pour ramener le déficit à 3 % dans les pays de la zone euro doivent être menés sur 10 à 20 ans plutôt que d’ici 2013 ou 2014”, affirme ce spécialiste.
La prescription vaut d'ailleurs aussi pour la France, d’après ces docteurs en économie. Pour 2012 et 2013, l’OFCE y prévoit un taux de croissance de 0,1 % et 0 %... très loin du 1,3 % espéré par le gouvernement. Avec une économie à l’arrêt, le plan de rigueur inscrit dans le budget 2013 ne permettrait de ramener le déficit qu’à 3,5 % du PIB. “Si le gouvernement tient absolument à atteindre les 3 %, il faudra trouver 22 milliards d’euros d’économie en plus”, souligne Éric Heyer, spécialiste de l’économie française à l’OFCE.
Une nouvelle dose d’austérité pour satisfaire la “règle d’or” européenne serait, d’après eux, à éviter à tout prix. La France entrerait alors en récession, d’après ces projections, et détruirait plus de 600 000 emplois au lieu de 240 000 dans un scénario sans rigueur supplémentaire. Pis, l'Hexagone entrerait alors dans la spirale à l’espagnole où les efforts budgétaires se traduiraient au final par davantage de déficit.
“Je ne pense pas que la France décide de plus d’austérité”, affirme Xavier Timbeau. Le prochain test pour Paris interviendra à la mi-novembre lorsque la Commission européenne publiera ses propres prévisions pour l’économie française et demandera ou non à Paris de serrer davantage encore la vis. Pour l’OFCE, “ce sera le moment de vérité pour savoir si l’UE a enfin compris que la politique de la rigueur est actuellement contre-productive”.