
Chahuté dans un camp de réfugiés syriens à la frontière jordanienne mardi, moqué sur les réseaux sociaux, l’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie peine de plus en plus à convaincre du bien fondé de sa mission.
Plusieurs quartiers rebelles d’Alep, dans le nord de la Syrie, ont été bombardés mercredi par l’armée fidèle au régime de Bachar al-Assad.
"Les quartiers de Hanano, al-Chaar, Sakhour, Massaken al-Fardos et Kalassé à Alep ont subi ce matin des bombardements qui ont fait plusieurs blessés et causé des dégâts à des immeubles", a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Des combattants rebelles ont également annoncé leur retrait de Hajar al-Aswad et Assali, des quartiers situés au sud de la capitale, Damas, selon l’ONG syrienne. Plus de 35 personnes auraient été tuées mercredi dans des affrontements dans le pays.
Il était visiblement persona non grata. L'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, a achevé mardi sa visite du camp de réfugiés de Zaatari dans le nord de la Jordanie, sous des jets de pierres. Alors que le diplomate multiplie les déplacements pour trouver un moyen de mettre un terme à la guerre en Syrie, ses efforts ne semblent plus vraiment convaincre.
"Brahimi, pars d'ici !", ont scandé quelque 200 personnes en colère, tout en jetant des pierres sur son convoi au moment où il partait. "Brahimi se comporte comme s’il était notre sauveur alors qu’il ne fait que prolonger nos souffrances", a expliqué un manifestant interrogé par le journal The Jordan Times. "Nous voulons lui faire passer un message très simple : assez de tractations, assez avec les observateurs, assez d’appels à l’apaisement. Nous avons besoin d’armes, pas de mots pour arrêter l’effusion de sang".
Lakhdar Brahimi a achevé dimanche 16 septembre une visite de quatre jours à Damas, au cours de laquelle il s'est entretenu avec des responsables syriens et des chefs de la rébellion. Une visite qui a provoqué l’ire des réfugiés, dans un camp déjà sous tension depuis plusieurs semaines. "Le camp de réfugiés de Zaatari a déjà été le théâtre de violences [le 28 août, NDLR] au cours desquels une vingtaine de gendarmes ont été blessés", rappelle Fabrice Balanche, maître de conférence à l'université Lyon 2 et directeur du groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à la Maison de l’Orient. "Les réfugiés n’ont pas le droit de sortir, de travailler. Ils se sentent abandonnés par l’ONU et pensent que tout ce que l’on fait, c’est laisser du temps à Bachar al-Assad".
"C’est plus le personnage qui déplaît que sa mission"
Sur les réseaux sociaux, l’émissaire de l’ONU n’est pas non plus épargné. Sur la page Facebook "La révolution syrienne en français", le diplomate algérien est croqué sans ambages.
Sous une banale photo de l'émissaire, la légende moque son prénom. Lakhdar signifie vert en arabe. D’où la légende suivante : "en sortant de son entrevue avec Assad, verrons-nous Brahimi changer de couleur ? Lasfar (le jaune) Brahimi par exemple ? Lahmar (rouge mais aussi l'âne) Brahimi ?"
Une autre photo postée sur la même page le grime en superman, deux valises de l’ONU à la main, sous une pluie de bombes.
"C’est plus le personnage qui déplaît que sa mission, souligne Fabrice Balanche. Il a son franc-parler. La semaine dernière, sa rencontre avec le Premier ministre qatarien, Hamad ben Jassem al-Thani, s’est mal passée. Il est parti en claquant la porte et en rappelant qu’il était l’émissaire de l’ONU et non celui du Qatar".
Contrairement à son prédécesseur Kofi Annan, Lakhdar Brahimi n’a pas posé le départ de Bachar al-Assad comme préalable à sa médiation. L’Algérien se voit comme "arbitre", précise l'expert de la Syrie. "Il a repris le flambeau sans trop y croire mais il part du principe qu’il faut réunir tous les acteurs autour de la table". De quoi déplaire à l’Armée syrienne libre qui, persuadée qu’elle "arrachera une victoire par la force", refuse de négocier.
Néanmoins, pas de quoi décourager le diplomate onusien. "Lakhdar Brahimi est l’artisan de l'accord de Taëf qui a mis fin à la guerre du Liban en 1989, rappelle Fabrice Balanche. Il espère bien obtenir un nouveau Taëf, même si cela doit prendre des années".