À l’occasion du premier anniversaire d'Occupy Wall Street, les manifestations organisées lundi aux États-Unis ont démontré la perte de popularité du mouvement anticapitaliste. Rencontre avec Harrison Schultz, membre actif d'Occupy.
Alors qu'Occupy Wall Street soufflait sa première bougie lundi 17 septembre, le mouvement a le moral en berne. Les manifestations organisées aux États-Unis à l'occasion de ce premier anniversaire n’ont en effet pas mobilisé les foules. À New York, seul un millier de manifestants a répondu à l’appel. Une mobilisation bien en deçà des quelque 30 000 personnes rassemblées en novembre 2011, aux beaux jours du mouvement anticapitaliste.
Le 17 septembre 2011, les manifestants prenaient leur quartier dans le parc Zuccotti, à proximité de la Bourse de New York. En s’imposant dans les rues, les Indignés américains s’étaient alors fait une place dans le paysage médiatique. Disant représenter "99 %" de la population, en opposition au 1 % des Américains les plus riches, Occupy Wall Street pointait du doigt la corruption, les inégalités ainsi que les dérives du capitalisme, et avait entraîné d'autres villes américaines dans son sillon.
Douze mois plus tard, où est passé l’engouement suscité par leur combat ? "Si tant est qu’il soit mentionné, Occupy Wall Street fera tout juste l’objet d’un astérisque dans les manuels d’histoire", assure le "New York Times". Membre actif du mouvement, Harrison Schultz, lui, met en avant les progrès d'Occupy Wall Street et se veut enthousiaste. Entretien.
Quel bilan tirez-vous de cette première année d’existence ?
Harrison Schultz : En ce qui concerne notre combat, il n’a pas changé, il est tout aussi difficile. Les inégalités sont toujours présentes. Notre mouvement, lui, est passé par beaucoup d’étapes, nous avons évolué. Aujourd’hui, je peux dire que nous sommes une force mieux structurée qu’il y a un an. Notre discours est mieux organisé, nos arguments plus affutés. Mais, en raison d’une mauvaise communication, nous avons du mal à faire passer ce message. Nous voilà donc revenus au point de départ, à la conquête de la population.
Comment expliquez-vous ce problème de communication ?
H. S. : Notre but a souvent été mal perçu : beaucoup de médias aux États-Unis dépeignent les militants comme des voyous non civilisés. Par ailleurs, les gens n’ont pas forcément compris que nous souhaitions instaurer une discussion pour trouver des solutions, et non pas seulement formuler des revendications. Au final, peu d’Américains connaissent réellement notre travail, comme par exemple notre réflexion sur un système de monnaie alternatif. Les mauvaises méthodes de communication d’Occupy Wall Street sont également en cause. Il faut que l’on s’améliore, car il y a une réelle volonté de changement parmi les Américains. Ils sont impactés par la crise et les inégalités au sein de la société, ils étaient d’ailleurs fortement mobilisés durant l’automne 2011.
Cependant, il est difficile d’inciter les gens à manifester dans la rue. Ils peuvent adhérer à nos idées mais ne veulent pas être des "Occupyers". Ce n’est pas comme en Espagne [pays d’où est issu le mouvement des Indignés, qui a inspiré Occupy Wall Street, ndlr]. Là-bas, le contexte socio-économique fait que la population se mobilise : ils sont touchés de plein fouet par la crise économique. Le contexte est différent aux États-Unis.
La campagne présidentielle aux États-Unis est-elle un moyen pour vous de revenir sur le devant de la scène ?
H. S. : Occupy ne prend partie ni pour Romney, ni pour Obama car aucun ne relaie nos préoccupations. La politique de Barack Obama est très décevante : il a échoué à réguler l’économie, n’a pas puni les escrocs de la finance, n’a pas résolu les conflits au Moyen-Orient. Il a même promulgué le NDAA (National Defense Authorization Act), une loi autorisant la détention d’un individu suspecté d’avoir collaboré avec des terroristes, sans procès ni limitation de durée. En même temps, je doute fortement du soutien des militants à la politique prônée par Mitt Romney [le candidat républicain, ndlr].
De toute façon, la question n’est pas de soutenir un homme politique, mais de nous soutenir nous-mêmes. La campagne présidentielle est clairement une opportunité pour nous d’influencer le débat. Occupy Wall Street devrait devenir un candidat politique lui-même.