Depuis les propos du républicain Todd Akin sur le "véritable viol", la campagne électorale se focalise sur les droits des femmes, chaque camp cherchant au passage à se rallier le vote des électrices.
"Est-il possible de remporter une élection sénatoriale avec 0 % d’électeur femme ? C’est pour un ami", ironise sur son compte Twitter Nate Silver, l’influent blogueur du "New York Times", au sujet de l’immense controverse suscitée par les propos de Todd Akin. Depuis que ce député républicain, jusque-là inconnu, candidat au siège de sénateur dans le Missouri, a prétendu que “la grossesse après un viol est très rare" et que "s’il s’agit d’un véritable viol, le corps de la femme essaie par tous les moyens de bloquer tout ça", les femmes sont au centre des débats de la campagne électorale.
Les républicains se mordent les doigts d’avoir laissé Todd Akin représenter le Grand Old Party (GOP) aux sélections énatoriales. Certes, son capital sympathie le donnait encore gagnant dans les sondages au mois de juillet, face à la sénatrice sortante, la démocrate Claire McCaskill. Mais depuis sa bourde et malgré son message de "pardon" adressé par vidéo, le Parti républicain fait pression sur Todd Akin pour qu’il se retire de la course. “Tout le monde dans le parti souhaite qu’il démissionne au plus vite”, affirme Karlyn Bowman, du think tank républicain American Enterprise Institute, interrogée par FRANCE 24. “La polémique aura peu de retentissement sur la campagne électorale sénatoriale s’il se retire. En revanche, cela ne désenflera pas s’il reste dans la course”, poursuit la jeune femme, qui rappelle que la majorité républicaine au Sénat ne tient qu'à trois petits sièges. Remporter un État comme le Missouri est donc crucial.
Amendement "pro-life" à la Constitution
Les démocrates ont saisi l'occasion pour relancer leur slogan "War on women" (guerre contre les femmes), déjà dégainé l'an dernier lors d'une offensive républicaine au Congrès pour restreindre le droit à l'avortement et supprimer le remboursement de la contraception.
"Nous ne devrions pas laisser une poignée de politiciens, dont la plupart sont des hommes, prendre des décisions sur le système de santé qui concerne les femmes", martèle l’équipe de Barack Obama sur Twitter. Et de rappeler que les députés républicains, depuis qu’ils siègent en majorité à la Chambre des représentants, ont cherché à faire passer trois lois qui remettent en question le financement public du planning familial, le remboursement de l’IVG et une restriction de la définition du viol.
En choisissant le fervent conservateur Paul Ryan comme colistier, Mitt Romney envoie à nouveau un signal auprès des électeurs "pro-life". Et si le candidat républicain à la présidentielle a pris ses distances vis-à-vis de Todd Akin, jugeant ses propos “insultants, inexcusables et franchement faux”, son équipe de campagne n’a pas caché qu’elle préparait un amendement à la Constitution qui remet en cause le staut juridique de l'embryon humain.
"Moms drive the economy"
Depuis les années 1980 et les campagnes électorales de Ronald Reagan, lors desquelles les républicains ont commencé à se montrer perméables aux thèses des protestants ultra-conservateurs, le Parti républicain perd des points auprès des femmes. En 2008, Barack Obama avait été élu avec 56 % des voix des femmes. Cet écart pourrait encore se creuser à l’occasion de cette élection. D’après un sondage NBC/Wall Street Journal du 21 août, Barack Obama a désormais 10 points d’avance sur son rival Mitt Romney dans l’électorat féminin.
Les républicains écartent la question d’un revers de main. "Barack Obama a un gros problème de popularité auprès des hommes blancs, plutôt acquis aux républicains, explique Karlyn Bowman. Quant à l’électorat féminin, il n’est pas aussi monolithique qu’on peut le croire. Mitt Romney a clairement une carte à jouer auprès des femmes mariées. Il doit s’adresser aux familles et à leurs difficultés quotidiennes, parler des emplois, de l’immobilier, du budget. Depuis les années 1980, une élection présidentielle se gagne sur les questions économiques, pas sur des sujets de société."
Jusqu’ici, Mitt Romney a en effet axé sa campagne sur la nécessité de résorber le déficit public et de faire baisser le chômage, qui affecte particulièrement les femmes, mais aussi la lourdeur des impôts et le prix de l’essence. "Les mamans font tourner l'économie", assurent les autocollants du Parti républicain.
"Or la contraception, le remboursement de l’IVG… Ces questions sont de première importance pour les femmes", affirme de son côté Laura Chapin, stratège du Parti démocrate basée à Denver, dans le Colorado. Je vis dans la banlieue de Denver et les femmes sont effectivement préoccupées par les questions économiques. Mais savoir si elles auront un enfant supplémentaire à charge, si elles se feront rembourser un acte d’IVG ou une mammographie fait précisément partie des questions économiques, c’est crucial pour le porte-monnaie de ces femmes !"
Déjà, au mois de juin, la première vidéo de campagne d’Obama rappelait les vertus de la loi "Lilly Ledbetter Fair Pay Act", que le président avait signé, au début de son mandat, pour lutter contre l’inégalité salariale entre hommes et femmes.
La polémique Fluke/Limbaugh ressurgit
Dans une campagne électorale serrée où chaque candidat fait appel à la conscience des indécis, la polémique sur l’avortement et la contraception n’est pas prête de retomber.
La liste des orateurs - et surtout des oratrices - qui seront invités à la convention démocrate le mois prochain laisse entendre que le camp Obama ne va pas lâcher l’affaire de si tôt : Nancy Keenan, présidente de Pro-choice America, Cécile Richard, à la tête du planning familial, et Lilly Ledbetter, la militante féministe qui a inspiré la loi du même nom sur l’égalité des salaires, sont invitées à la tribune.
Sans oublier la très emblématique Sandra Fluke, une étudiante de Georgetown University à Washington qui s’était faite copieusement insulter après avoir plaidé, devant une commission parlementaire, pour le remboursement obligatoire de la pilule par les assureurs. C’était dans le cadre du débat sur la réforme de l’assurance-maladie du président Obama, au mois de février dernier. "Sandra Fluke veut qu'on la paye pour qu'elle ait des relations sexuelles ? Ça fait d'elle une salope, une prostituée", avait conclu Rush Limbaugh, un animateur radio extrêmement populaire. Les propos de Limbaugh avaient fait le tour des États-Unis, acculant Mitt Romney à devoir se prononcer sur le scandale. Ill avait alors simplement commenté : Je ne l’aurais pas formulé ainsi”.
Sandra Fluke a enfoncé le clou cette semaine : “La controverse [lancée par Todd Akin, ndlr] n’est pas un accident, ni une erreur ou un incident isolé. Cela reflète combien la politique des républicains est néfaste pour les femmes”, a-t-elle déclaré. De son côté, Rush Limbaugh a contre-attaqué dans son show. “Les républicains devraient organiser une soirée thématique 'War on women' lors de leur convention la semaine prochaine, suggère-t-il, pour parler de toutes les victimes attaquées par les démocrates”, citant notamment Monica Lewinsky.