Discret depuis deux mois, le Premier ministre grec entame cette semaine une série d'entretiens avec des dirigeants de la zone euro. Objectif : demander un délai pour mener à bien les réformes prévues par le plan d'aide européen.
Il est aux abonnés absents depuis son élection le 17 juin mais il revient aujourd’hui sur le devant de la scène européenne. Le Premier ministre grec Antonis Samaras, en convalescence après une opération du décollement de la rétine au lendemain de son accession au pouvoir, a entamé sa rentrée ce mercredi 22 août. Une rentrée aussi chargée que délicate : il va tenter de négocier auprès de ses partenaires européens à bout de patience un délai de deux années supplémentaires pour mener à bien les réformes prévues par le plan d’aide décidé en mars.
Le nouvel homme fort de la Grèce démarre sur les chapeaux de roues : après une rencontre le 22 août avec le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, à Athènes, il sera reçu le 24 août à Berlin par la chancelière allemande Angela Merkel avant de s'envoler le lendemain pour Paris où il doit s’entretenir avec le président français François Hollande. Un baptême du feu pour Antonis Samaras : c’est la première fois depuis son élection à la tête du gouvernement grec qu’il rencontre les dirigeants de la zone euro.
itLe Premier ministre grec explique dans une interview au quotidien allemand "Bild" qu'accorder un répit à la Grèce, dans le cadre du plan d'aide de 130 milliards d'euros décidé en mars, permettrait au pays de renouer avec la croissance. Auprès d’Angela Merkel et de François Hollande, Antonis Samaras devrait donc plaider en faveur d’un assouplissement des conditions d’aide, notamment via l’allongement de deux ans du délai fixé par ses partenaires pour ramener son déficit à 3 % du Produit intérieur brut (PIB). Selon les termes du plan d’aide, la Grèce a jusqu’à 2014 pour y parvenir. Fin 2011, le déficit atteignait 9,3 % de son PIB.
"Une rentrée très douloureuse"
"Samaras s’engage dans des négociations très dures avec la troïka [les créanciers publics de la Grèce : le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne, ndlr]", explique Philippe Moreau-Defarge, politologue à l’Institut français de relations internationales (IFRI). Le chercheur poursuit : "La troïka est très mécontente car les Grecs n’ont pas rempli leurs engagements […]. Samaras ne trouvera probablement pas beaucoup de compréhension de la part des dirigeants de la zone euro. La rentrée s’annonce douloureuse pour Samaras. Très douloureuse".
Les privatisations promises par Athènes à ses créanciers, théoriquement censées rapporter à l’État 19 milliards d’euros d’ici 2015, sont au point mort, en dépit des multiples annonces des autorités grecques. Début août, le ministre des Finances, Yannis Stournaras, a même assuré qu’un arsenal législatif allait être adopté pour accélérer la privatisation d’un certain nombre d’entreprises publiques. Mais pour l’heure, rien ne s’est véritablement concrétisé. La question de la restructuration des institutions et de l’économie du pays n’a pas davantage avancé. Pendant ce temps, à en croire les chiffres publiés mi-août par l’Autorité des statistiques grecques, l’économie poursuit sa descente dans l’enfer de la dépression. Au deuxième trimestre 2012, le PIB a reculé de 6,2 %. Au premier trimestre, il s’était enfoncé de 6,5 %.
Un "krach social" à redouter
Dans ce contexte, la mission d’Antonis Samaras et de son ministre des Finances - réussir à convaincre leurs partenaires européens de leur bonne volonté - s’avère compliquée. "Samaras est pris entre le marteau et l’enclume", résume Philippe Moreau-Defarge. Car sur le plan intérieur, le Premier ministre pourrait affronter de nouvelles vagues de protestations et voir s’effriter la fragile coalition entre les socialistes du Pasok et les conservateurs de la Nouvelle Démocratie qui l’a porté au pouvoir. Il doit en effet annoncer, dans les jours qui viennent, une nouvelle série de mesures d’austérité touchant notamment les salaires et les retraites.
Dans la rue, la rentrée s’annonce explosive. "Le nouveau paquet de mesures va conduire à un krach social", prédisait en juillet Alexis Tsipras, le numéro un de la gauche radicale Syriza, principale coalition d’opposition. Un tiers de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Chaque semaine, selon la Commission européenne, un millier d’entreprises déposent le bilan, contribuant ainsi à la hausse du chômage et à une baisse des taxes versées à l’État. Plus de 23 % de la population active ne trouve pas de travail, un taux qui grimpe à 45 % chez les moins de 25 ans. Le chômage pourrait atteindre 29 % en 2013.
"La Grèce est exsangue, témoigne Alexia Kefalas, la correspondante de FRANCE 24 à Athènes. D’une crise économique, nous sommes passés à une crise sociale et sociétale. La population ne voit pas le bout du tunnel. Les Grecs sont las, ils n’ont plus rien à perdre. La marmite est en train de bouillir, si le gouvernement ne fait pas un geste fort, ça va exploser."