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Manuel Valls cherche un costume de premier flic de France à sa taille

Avec les émeutes d'Amiens, le ministre de l’Intérieur fait face à son premier test après trois mois passés Place Beauvau. Considéré comme l'incarnation de l’aile décomplexée de la gauche, il souhaite toutefois se démarquer de l'ère Sarkozy.

Dans la nuit du 15 au 16 août dans les quartiers nord d’Amiens, cinq interpellations ont eu lieu deux jours après les violents affrontements qui ont éclaté entre jeunes et forces de l'ordre, blessant 17 policiers et provoquant l'incendie d'une école. "Maintenant, il faut des interpellations, vous êtes suffisamment nombreux pour agir", avait déclaré Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, lors de sa visite sur place le 14 août. Aucune interpellation n’avait été effectuée pendant les affrontements qui avaient opposé 150 policiers à une centaine de jeunes.

À Amiens, Manuel Valls a été accueilli par des coups de sifflets et des insultes de la part de certains habitants qui l’ont obligé à réduire sa visite à une portion de rue. "Je suis venu ici à Amiens à la demande du président de la République et du Premier ministre", précisait-il d’emblée à la presse. Aller sur le terrain à chaud fût aussi la méthode de Nicolas Sarkozy puis celle de Claude Guéant. Manuel Valls a pourtant voulu éviter tout emportement ou parole qui puisse rappeler l'attitude de Nicolas Sarkozy lorsque celui-ci était lui-même ministre de l'intérieur. "Je ne suis pas venu pour qu'on passe au Kärcher ce quartier", a-t-il lancé, en allusion à la phrase prononcée par Nicolas Sarkozy lors d’une visite à la cité des 4 000 à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) en 2005. "Je ne suis pas venu pour mettre en cause une communauté, des jeunes dans leur ensemble, je suis venu dire qu'ici [...] la loi et la justice doivent passer", a ajouté le ministre de l'Intérieur.

Se défaire de l’ombre de Sarkozy-Guéant

Le locataire de l’Intérieur hérite d’une situation explosive dans certains quartiers sensibles qui sont quasiment désertés par les gardiens de la paix depuis la suppression de la police de proximité et la baisse des effectifs au cours de la présidence de Nicolas Sakozy. Aussi, lors de sa visite à Amiens, Manuel Valls a voulu apporter un soutien prononcé aux 17 policiers blessés, essentiellement par des tirs de plombs, prenant le risque de donner l’impression à la population que le sort des forces de l’ordre passait avant la sienne. Ce qui n'a pas empêché l’annonce de l’ouverture d’une enquête administrative à propos des "provocations" policières dénoncées par les habitants des quartiers nord d’Amiens. 

Arrivé il y a trois mois place Beauvau, Manuel Valls est déterminé à se tailler son propre costume de premier flic de France. Considéré depuis plusieurs années comme l'incarnation de l’aile décomplexée de la gauche, il lui est arrivé d'être qualifié de "socialiste de droite". Selon un sondage LH2 publié mi-juillet, 42 % des sympathisants UMP ont une bonne image de lui en tant que ministre de l’Intérieur, contre 76 % au sein des sympathisants PS. "L’actuel premier flic de France plaît à droite parce que sa politique de fermeté le place dans une certaine lignée idéologique proche de celle de ses prédécesseurs", expliquent Olivier Vanbelle et Matthieu Chaigne, cofondateurs de Délits d'Opinion.

"Assurer l'ordre républicain"

Sur un autre dossier, celui des Roms, Manuel Valls s'est attiré la sympathie de la droite qui a prisé sa "lucidité", pour reprendre le terme d'Éric Ciotti, secrétaire national de l'UMP à la sécurité. À gauche, les évacuations de campements roms sont plus mal perçues. Éric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche, a eu les mots les plus durs contre ces évacuations, estimant que le gouvernement Ayrault "suivait les pas du précédent". En saluant l'annonce d'une réunion interministérielle sur les Roms, le député PS Pouria Amirshahi a regretté pour sa part que le sujet ait été traité "sous le seul angle de la répression policière".

Battue par la droite au pouvoir sur les problèmes de sécurité, la gauche socialiste compte sur Manuel Valls pour se saisir de ces questions à bras le corps, en finir avec la "politique du chiffre" de l’ère Sarkozy et rapprocher les forces de l’ordre de la population. Ainsi le ministre a rappelé le 16 août sur France Inter qu'il était conscient des "attentes" et a tenté de calmer les tensions en revenant aux fondamentaux : "François Hollande a fait de la jeunesse et de l’éducation les grandes priorités de ce quinquennat. […] Pour que cette politique puisse se mettre en œuvre, il faudra du temps, il faut que l’ordre républicain puisse s’imposer", a expliqué le ministre. Et de rappeler : "La gauche au pouvoir, elle assure l’ordre républicain parce que le désordre crée des injustice supplémentaires".