Lors de la 19e Conférence internationale sur le sida, la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, a appelé de ses vœux une "génération sans sida". Un rêve réalisable si la communauté internationale y met les moyens.
"Les États-Unis sont engagés, et le resteront, pour qu'émerge une génération sans sida. Nous ne reculerons pas, nous ne céderons pas !" Les propos de la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, prononcés lundi 23 juillet à Washington lors de la 19e Conférence internationale sur le sida à laquelle participent quelque 25 000 personnes venues de 190 pays différents, ont déclenché des ovations.
Dans ce message politique fort qu’elle avait déjà lancé en novembre, la chef de la diplomatie américaine a énoncé plusieurs objectifs : "Aucun enfant, où qu'il soit, ne devra naître porteur du virus", "Plus les gens vieilliront, moins ils devront risquer d'être contaminés" et "Ceux qui le seront devront être soignés pour ne pas contaminer les autres".
Cette promesse d’une "génération sans sida" pourrait paraître utopique. Les chercheurs estiment pourtant que l'arsenal thérapeutique actuel permet d’envisager d’en finir avec l’épidémie, responsable de 1,5 million de décès par an. "C’est un rêve qui n’est pas si éloigné que cela, il est beaucoup moins délirant qu’il y a cinq ou dix ans", commente ainsi le professeur Jean-Daniel Lelièvre, membre du service d’immunologie clinique de l’hôpital Henri Mondor, à Créteil, et du centre de vaccination anti-VIH ANRS (Association nationale de recherche contre le sida).
Des résultats très encourageants laissent présager une baisse du nombre d’infections d’ici à 2040, estime Emmanuel Trenado, directeur adjoint de l’Association française de lutte contre le sida (AIDES). Deux traitements sont, notamment, porteurs d’espoir : la prophylaxie pré-exposition (la "PrEP") , médicament prescrit avant une prise de risque, mais aussi le Tasp ("Treatment as Prevention"), utilisé comme outil de prévention. "Le Tasp réduit le risque de transmission secondaire", précise le professeur Lelièvre.
Aujourd’hui, environ 35 millions de personnes - dont 97 % dans les pays pauvres - sont contaminées par le virus du sida. Chaque année, 2,5 millions de nouvelles infections se produisent. Mais "d’ici à 30 ans, elles pourraient se limiter à quelques dizaines de milliers de personnes", avance Emmanuel Trenado.
"Les fonds ne seront pas suffisants pour traiter toutes les personnes infectées"
Reste que la communauté internationale devra s'en donner les moyens tant financiers que politiques, préviennent les experts , inquiets d’un éventuel impact de la crise économique sur la mobilisation des ressources. C’est le cas du philanthrope Bill Gates, dont la fondation a consacré un total de 2,5 milliards de dollars de subventions à la lutte contre le sida. Il dénonce le fait que "les fonds mondiaux ne seront pas suffisants pour traiter toutes les personnes qui auront besoin de traitement".
L'ONU a fixé l'objectif des investissements internationaux à 24 milliards de dollars par an d'ici à 2015, soit neuf milliards de plus que les 15 milliards mobilisés en 2010. Les États-Unis, par le biais du plan d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR), versent 48 % des 8,2 milliards de dollars de l'aide actuelle. Lors de son discours à Washington, Hillary Clinton a promis 150 millions de dollars de plus, dont 80 millions pour des programmes visant à empêcher la transmission du VIH par les femmes enceintes à leur enfant et à leur partenaire.
Lundi, le président français François Hollande a affirmé, lui, dans un message vidéo adressé à la conférence, que la France poursuivrait sa participation au Fonds mondial de lutte contre le sida, dont elle est le second plus grand contributeur, en la diversifiant avec des "financements innovants". Il a cité, en particulier, "la taxe sur les transactions financières" qui sera mise en place en France dès le 1er août. Le chef de l'État français a aussi proposé "d'élargir cette taxe à l'Europe et au monde pour que nous puissions verser des sommes nouvelles à la lutte contre le sida".
itL'accès aux antiviraux, principal moyen d'enrayer l'épidémie
La communauté internationale devra également faire preuve d'une réelle volonté pour faciliter l’accès du traitement à toutes les personnes touchées par le VIH. "C’est le principal obstacle à l’enrayement de l’épidémie", souligne Emmanuel Trenado, qui rappelle qu’en Russie, les autorités interdisent l’accès aux traitements antiviraux.
Pour le dépistage, il faudra revoir le système de santé dans les pays les plus pauvres pour que toutes les populations puissent avoir accès aux tests et aux traitements, poursuit le professeur Lelièvre, qui dénonce la discrimination envers les personnes infectées, très présente dans certains pays d’Afrique. Au Cameroun par exemple, les homosexuels n’ont pas accès aux outils de prévention du sida.
Selon les derniers chiffres de l'Onusida, des progrès importants ont été accomplis : plus de huit millions de personnes contaminées prenaient des antirétroviraux à la fin de 2011 dans les pays pauvres, notamment en Afrique subsaharienne, région la plus touchée par la maladie.