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La France reste prudente sur l'efficacité du préventif anti-sida Truvada

Bien connu des personnes impliquées dans la lutte contre le sida, le Truvada, premier traitement de prévention contre le VIH, a obtenu, lundi, l'autorisation de mise sur le marché américain. Son arrivée en France pourrait être plus compliquée.

Confortée par la recommandation d'un comité d'experts, la FDA, l’agence qui contrôle les aliments et les médicaments aux États-Unis, a autorisé la commercialisation du Truvada sur le sol américain. Prise de manière quotidienne, la pilule bleue est destinée à réduire le risque de transmission du virus du sida sur des sujets sains mais dont le risque de contamination demeure important. Gilead Sciences, le laboratoire américain qui développe cet anti-rétroviral, indique que ce traitement à titre prophylactique s’inscrit dans un dispositif général de prévention qui ne doit pas faire oublier l’usage du préservatif et les autres mesures de prévention. En Europe, on accueille l’arrivée de ce nouvel outil préventif avec beaucoup de précaution.

"C’est une pure histoire de fric !"

Si la majorité des associations françaises de lutte contre le sida s'interroge sur la rapidité de la commercialisation d’un tel médicament, l'association Act Up, elle, ne cache pas son hostilité. Interrogé par FRANCE 24, Hugues Fischer, coordinateur prévention au sein de l'organisation, dénonce une course effrénée à l’argent au profit des laboratoires américains. "Gilead Sciences a souhaité à tout prix être le premier à commercialiser le médicament pour prendre de court ses concurrents en dépit de toutes les études négatives publiées à ce sujet. C’est une pure histoire de fric ! Il aurait fallu davantage approfondir le protocole expérimental avant de le lancer sur le marché."

Hasard du calendrier ou pure coïncidence, l’autorisation de commercialisation intervient à une semaine de la Conférence internationale sur le sida qui se tient à Washington du 22 au 27 juillet. Une aubaine pour le laboratoire pharmaceutique qui pourra à cette occasion ainsi toucher les décideurs du marché européen.

Le risque de relâchement des pratiques préventives

Au-delà de la manne financière que la commercialisation de ce médicament représente, les associations de prévention du sida s’inquiètent de manière unanime des risques de relâchement de l’usage du préservatif masculin. Alors que les derniers chiffres relatifs à son usage font état d’une baisse constante de son utilisation chez les jeunes, on craint que la prise du Truvada n’alourdisse cette tendance.

Pour Sandrine Fournier, chargée de mission prévention gay pour l’association Sidaction, "tout est affaire d’observance", confie-t-elle à FRANCE 24. En théorie, le traitement préventif du Truvada est efficace à 90 %. Mais le respect des prescriptions et des posologies par le patient est primordial dans le succès du traitement. Des essais cliniques menés entre 2007 et 2009 auprès de couples homosexuels sains avaient abouti à un taux de succès de 44 %. Selon Hugues Fischer, "personne ne parvient à prendre parfaitement un médicament. Moi, je suis séropositif, je prends le Truvada pour ma trithérapie depuis longtemps et c’est très difficile de suivre le traitement tous les jours".

Pas avant la mi-2013 en France

Encore à l’état d’essai en France, le traitement ne risque pas d’être commercialisé de si tôt de ce côté de l'Atlantique. Il faut d’abord que le laboratoire Gilead dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès des agences du médicament française (ANSM) et européenne (EMA). Selon le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'Institut de microbiologie et des maladies infectieuses (IMMI), le médicament ne devrait pas faire son apparition dans l’Hexagone avant la fin du second semestre 2013.

Reste le problème de la prise en charge financière. Le montant d'un traitement au Truvada varie pour un patient de 12 000 à 14 000 dollars par an. Selon Sandrine Fournier, "l’affaire est aussi politique. Quelle collectivité française pourra financer le coût d’un tel traitement ?" La prévention onéreuse que constitue le Truvada risque enfin d’accroître un peu plus les injustices des malades des pays sous-développés qui ne bénéficient toujours pas, à l’heure actuelle, de la trithérapie pour tous.

Tags: Sida, Santé, France,