
Le procès de 205 opposants kurdes, dont la célèbre universitaire Busra Ersanli, s'est ouvert ce lundi dans un tribunal de la banlieue d'Istanbul. Ils sont accusés d'appartenir à la branche urbaine du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
AFP - Le procès de 205 opposants kurdes accusés d'appartenance à la branche urbaine de l'organisation rebelle kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a débuté lundi dans un tribunal de la banlieue d'Istanbul, a rapporté l'agence de presse Anatolie.
Parmi les suspects, dont 140 sont en détention préventive, figurent de nombreux membres de la principale formation politique kurde en Turquie, le Parti pour la paix et la démocratie (BDP), mais aussi une universitaire de renom, Busra Ersanli, et un éditeur contestataire, Ragip Zarakoglu.
L'acte d'accusation réclame 15 ans de prison contre Mme Ersanli, détenue depuis huit mois, en tant que "responsable d'une organisation terroriste", tandis que M. Zarakoglu, en liberté conditionnelle depuis avril, risque 10 ans de prison pour "aide délibérée à une organisation terroriste".
Les 205 suspects sont accusés d'avoir des liens avec l'Union des communautés kurdes (KCK), une organisation clandestine considérée par les autorités turques comme étant la branche urbaine du PKK.
Selon les autorités, le KCK souhaite se substituer à l'Etat turc dans les collectivités locales des provinces peuplées en majorité de Kurdes du Sud-est anatolien en créant une structure administrative parallèle aux institutions officielles.
Le procès d'Istanbul s'inscrit dans le cadre d'une vaste opération de démantèlement du réseau supposé du KCK, qui a conduit à l'arrestation de plusieurs centaines d'opposants kurdes -des milliers selon des sources kurdes. Un premier procès de membres du KCK a débuté en octobre 2010 à Diyarbakir (sud-est, peuplé de Kurdes).
La première audience du procès stambouliote, lundi, a débuté par des tensions entre la cour et les prévenus, plusieurs d'entre eux refusant de s'exprimer dans une autre langue que le kurde, selon Anatolie.
"Ils parlent kurde parce qu'ils sont kurdes. Vous ne pouvez pas faire comme s'il s'agissait d'une langue inconnue, elle est parlée par 20 millions de personnes", a plaidé l'avocat de la défence Mehmet Emin Aktar, cité par l'agence.
Devant le tribunal, où étaient réunis des centaines de manifestants sous la surveillance de quelque 300 policiers, la vice-présidente du BDP Gültan Kisanak a déploré ce procès.
"Aujourd'hui, c'est la politique démocratique qu'on veut juger ici. Mais (...) la question de la démocratie et la question kurde ne sont pas des problèmes qu'on peut résoudre dans une salle de tribunal", a-t-elle déclaré, citée par Anatolie.
Des représentants de plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme étaient également présents à l'audience.
l'ONG Reporters sans frontières a dénoncé dans un communiqué un procès où "l'amalgame règne et la justice, fidèle à son interprétation répressive de la loi, assimile des intellectuels critiques à des terroristes armés".
Le procès intervient alors que des signes d'apaisement sont apparus depuis le mois dernier sur le dossier kurde, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan annonçant que la langue kurde pourrait bientôt être enseignée, en option, dans les écoles secondaires publiques, puis acceptant de s'entretenir samedi avec la députée du BDP Leyla Zana.