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Olivier Ferrand, l'agitateur d'idées au destin brisé

Fraîchement élu député PS des Bouches-du-Rhône, le fondateur du think tank Terra Nova est décédé d’un arrêt cardiaque samedi 30 juin à l’âge de 42 ans. Ce proche de Lionel Jospin a été l’artisan de la primaire du Parti socialiste en 2011.

La classe politique française est en deuil depuis l’annonce samedi 30 juin du décès brutal d’Olivier Ferrand à seulement 42 ans. De nombreuses personnalités de gauche, mais aussi de droite, ont rendu un hommage appuyé à celui qui venait d'être élu député des Bouches-du-Rhône et qui débattait encore la veille de sa mort sur des plateaux de télévision.

Pierre Moscovici, ministre de l'Économie, des Finances et du Commerce extérieur

" J'ai pu apprécier tout le talent de cet homme jeune, entreprenant, heureux de vivre, qui avait su, en créant Terra Nova, prendre une place originale et féconde dans le paysage intellectuel français et européen et a su aussi fédérer les énergies."

Le président François Hollande a fait part de sa "vive émotion" concernant la disparition d’"un brillant acteur de [notre vie] intellectuelle […], un de ces talents dont la République pouvait s'enorgueillir, et dont l'avenir était plein de promesses". Le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone a, de son côté, salué "ses grandes qualités humaines et sa remarquable intelligence". Le MoDem a également tenu à réagir pour honorer cette personnalité, force de proposition pour "des idées neuves, parfois étonnantes, toujours innovantes". "Il avait choisi de faire de la politique avec des idées et chacun, au-delà des clivages partisans, regrettera sa qualité humaine et son intégrité intellectuelle", a pour sa part déclaré Jean-François Copé, patron de l'UMP.

Proche de Lionel Jospin

Tous reconnaissaient en lui son goût pour le débat d’idées et sa personnalité influente. Olivier Ferrand, ce haut fonctionnaire surdiplômé (HEC, ENA et Sciences-Po), créait en 2008, après la défaite de Ségolène Royal à l’élection présidentielle de 2007, un laboratoire de réflexion, Terra Nova, prônant une orientation du PS vers la social-démocratie. En 2011, il réussit à lancer l’idée d’une primaire ouverte pour la désignation du candidat socialiste à la présidentielle. Ancien strauss-kahnien, il se targuait d’avoir importé ce concept des États-Unis, où il avait passé plusieurs semaines avec l’équipe d’Obama.

En mai 2011, son think thank, qui agrège un millier d'experts et a produit une trentaine d'essais, publiait un rapport qui déclenche une vive polémique. Au vue du "divorce" consommé entre la gauche et la classe ouvrière, il préconise de recentrer le projet politique du parti sur d'autres catégories sociales, comme la jeunesse, les femmes ou encore les immigrés. Une vision rejetée par la première secrétaire du Parti socialiste Martine Aubry et l'aile gauche du parti. Au lendemain de la victoire de la gauche à la présidentielle, il déclare que Terra Nova a "contibué à la victoire de François Hollande".

La Fondation, dotée de fonds privés, ne touche pas un euro du PS. "Ni du gouvernement ni des collectivités, c’est le gage nécessaire pour l’indépendance, affirme-t-il début juin dans les colonnes de "Libération". J’ai un pied dehors, un pied dedans. Avec Terra Nova, je suis libre, je m’affranchis des codes du PS."

Européen convaincu, Olivier Ferrand, alors âgé de 27 ans, occupait le poste de conseiller technique pour les affaires européennes du Premier ministre Lionel Jospin (1997-2002), puis de conseiller de Pierre Moscovici lorsqu'il était représentant de la France à la Convention sur l'avenir de l'Europe, et membre du groupe des conseillers politiques du président de la Commission européenne, Romano Prodi.

De conseiller politique à député

Il s’est d'ailleurs appuyé sur ce réseau pour passer de l’ombre de conseiller à la lumière de l’action politique. Maire-adjoint du IIIe arrondissement de Paris (2001-2007), il est parachuté par le PS dans les Pyrénées-Orientales pour les législatives de 2007 avant de perdre dès le premier tour devant un dissident socialiste.

Pour le scrutin législatif de juin, Solférino l'a placé dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône. Taxé de "bobo parisien parachuté" par l’opposition, ce natif de Marseille, avec un ancrage familial à Velaux, a cette fois-ci assumé son influence parisienne, en faisant venir en réunions publiques Jacques Attali, Martin Hirsch, Rama Yade ou encore Hubert Védrine ainsi que son mentor Lionel Jospin. Avec l’étiquette de candidat unique PS/EELV/PRG/MRC, il a réussi à s’imposer avec 40,48 % des suffrages en prenant ce territoire à la droite.

Avec son allure de gendre idéal, Olivier Ferrand incarnait la jeune génération du Parti socialiste qui a fait son entrée au Palais-Bourbon. Avec ce premier mandat législatif, ce sportif (tennis, ski et récemment marathon) caressait l’espoir d’une ascension politique, et notamment de faire son entrée au gouvernement. Mais son destin s’est brusquement arrêté samedi 30 juin. Marié et père d'une fille de 12 ans, le député a succombé à un arrêt cardiaque dans sa maison familiale de Velaux, près de Marseille, après un footing. Son suppléant, Jean-Pierre Maggi, maire de Velaux, lui succédera à l’Assemblée nationale, qui observera, mardi 3 juillet, une minute de silence.