
Alors que la tension entre le gouvernement tunisien et le chef de l’État Moncef Marzouki est à son comble, le limogeage du gouverneur de la Banque centrale tunisienne fait craindre aux investisseurs de lourdes conséquences économiques.
La crise au sommet de l’État tunisien, déclenchée le 24 juin par l’extradition de l’ancien Premier ministre libyen Al-Baghdadi al-Mahmoudi, se double depuis mercredi d’une secousse dans la sphère économique : le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli, va devoir quitter ses fonctions. Son limogeage devra être confirmé par l’Assemblée nationale constituante dans les 15 jours.
Cette décision, prise par le président de la République, Moncef Marzouki, "en accord avec le chef du gouvernement", ne découle pas officiellement de la vive tension entre le chef de l’État et le Premier ministre Hamadi Jebali. Le chef de la Banque centrale semble avoir perdu une bataille qui dure depuis des mois - il s’était notamment opposé à la politique inflationniste du gouvernement. "La raison est en rapport avec la gestion de la banque et la situation financière du pays de ces derniers mois", explique laconiquement le porte-parole de la présidence, Adnen Mancer. Mais le gouverneur de la Banque centrale ferait également les frais de son indépendance, de sa liberté de parole et de son manque d’ancrage dans un parti politique.
itLe limogeage de cet économiste de renom qui avait, avant janvier 2011, la responsabilité de la direction Afrique du Nord et Moyen-Orient à la Banque mondiale, n’est pas pour rassurer le milieu des affaires tunisien. "La Banque centrale doit être une autorité indépendante. (…) Ce n’est pas le moment de prendre des positions pareilles", commente Wided Bouchamaoui, présidente de l’Union tunisienne de l’industrie et du commerce, interrogée par FRANCE 24. "À chaque fois que l’économie avance, que les choses sont plus claires, des évènements politiques ou sécuritaires remettent en cause cette stabilité."
Rassurer les investisseurs
La chambre basse va donc être au centre des arbitrages politiques qui se jouent depuis dimanche. Plusieurs députés cherchent, en effet, à déposer une motion de censure contre le gouvernement pour protester contre l’extradition de l’ancien Premier ministre libyen, décidée contre l’avis du président Moncef Marzouki. Ce vendredi, une réunion exceptionnelle du Parlement va permettre aux députés de débattre du dossier, en présence du chef du gouvernement.
En position délicate politiquement, le Premier ministre a cherché à défendre son bilan et à rassurer les investisseurs internationaux lors de sa visite à Paris, jeudi. "On sait que les capitaux ont peur mais, le plus important, c'est la démocratie, [faute de quoi] le climat pour les affaires n'est pas bon", a déclaré le chef du gouvernement lors d’une conférence de presse, après avoir rencontré des dirigeants du patronat français. La Tunisie "va maintenant dans le sens de l’apaisement". À propos de la crise déclenchée par l’extradition de l’ancien Premier ministre libyen, Hamadi Jebali estime que l’affaire est "réglée, terminée".
De son côté, le président tunisien Moncef Marzouki s’est fait discret, jeudi, en reportant un discours qui était prévu sur la chaîne publique de télévision al-Wataniya. Il n’a pas commenté la situation de crise politique depuis que, dimanche, son cabinet a publié un communiqué s’attaquant directement au gouvernement et l’accusant d'avoir "outrepassé ses prérogatives".