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La toute puissance du .com est sur le point de prendre fin. L’Icann a dévoilé mercredi la liste des extensions de domaine à venir : des .paris ou .art qui coûtent chers mais peuvent rapporter gros.

L’avènement d'une nouvelle ère sur Internet est imminent. L’Icann, l’autorité internationale de régulation d’Internet, a dévoilé, mercredi 13 juin, les 1930 dossiers de candidatures pour de nouvelles extensions de noms de domaine.

VeriSign, dieu du .Com

Derrière la plus populaire des extensions de premier niveau - le .com - se trouve VeriSign. L'entreprise américaine de certification de site internet gère ce nom de domaine depuis 2000, année où elle a acquis l'ancien propriétaire du .com, Network Solution.

VeriSign avait alors dépensé 21 milliards de dollars (en action) pour racheter cette société qui détenait non seulement le .com mais également le .net et le .org, pour devenir un véritable empire des noms de domaine.

Le .com (raccourci pour "commercial") est la plus lucrative des extensions. VeriSign touche 7,85 dollars par an sur chaque site se terminant par cette extension. Avec 100 millions de telles adresses dans le monde, VeriSign est assis sur une véritable mine d'or.

À ce jour, il n’en existe que 22 (en plus des extensions géographiques) mais il devrait y en avoir plus d'un millier à la fin du processus d'attribution conduit par l'Icann. Ainsi, des .paris, .hotel, .shop et autres .eco (pour écologie) pourraient mettre à mal la domination incontestée du .com qui perdure depuis que le Web est Web.

“Aujourd’hui, sur les 215 millions de noms de domaine déposés dans le monde, 100 millions sont des .com”, précise Stéphane Van Gelder, pdg de la société française de gestion des noms de domaine Indom et président du GNSO (groupe qui détermine les règles applicables aux nouveaux .quelquechose) interrogé par FRANCE 24.

Cette suprématie du .com serait à l’origine d’un embouteillage grandissant sur la Toile. “Quand on cherche, par exemple, un hôtel à Paris sur Google, il devient de plus en plus difficile d’avoir un résultat pertinent”, juge Stéphane Van Gelder. Pour lui, grâce à la multiplication des noms de domaine de premier niveau, le bonheur sera au bout du clic : les moteurs de recherche remonteront, par exemple, les résultats se terminant par .paris, car ce sera l’assurance d’avoir affaire à un site vantant des hôtels réellement liés à la capitale française : la mairie de Paris est seule en lice pour gérer l'extension .paris.

Écrémage par le portefeuille

Ce nouvel arrivage de noms de domaine ne permettra pas seulement aux utilisateurs de mieux se retrouver dans l’immensité du World Wide Web, mais bénéficiera aux géants du Net. “Si l’entreprise qui gère le .com venait à disparaître [actuellement géré par la société américaine de certification des sites internet VeriSign], ce serait un chaos technique pour les grands noms du Web comme Google ou Facebook”, prévient Stéphane Van Gelder. En déposant des .facebook, .youtube et autres, ces entreprises peuvent espérer rompre cette dépendance.

“Nous révélons aujourd’hui qui a demandé quoi, et non pas quelles seront les nouvelles extensions”, a souligné Rod Beckstrom, pdg de l’Icann, lors d’une conférence de presse mercredi à Londres. Pour participer à cette compétition, les candidats doivent payer à l’Icann 185 000 dollars pour la création d’une nouvelle extension de domaine, puis s'acquitter d'un abonnement annuel de 25 000 dollars pendant 10 ans.

En outre, ils doivent prouver qu’ils ont les reins financiers suffisament solides pour gérer l’infrastructure nécessaire, notamment les serveurs qui hébergent les nouveaux sites sur l’extension convoitée.

Cet écrémage par le portefeuille évite que les cybersquatteurs - qui achètent à bas prix des adresses internet à fort potentiel et les revendent à prix d'or - participent à la compétition. Il explique aussi que la plupart des candidats viennent de pays dits riches avec une infrastructure Internet déjà bien en place. Ainsi les Américains du Nord ont déposé 901 dossiers et les Européens 675. Le géant américain de la vente en ligne, Amazon détient, avec 77 dossiers déposés, le record des candidatures. Il n’y a, en revanche, que 17 entreprises africaines qui participent à cette (r)évolution du Web.

Fortunes à la clef ?

Le processus de sélection crée aussi des situations de conflits. Une même extension, comme .movie, intéresse plus d’une société. “Il y a 230 mots qui ont été demandé par au moins deux entités”, précise Stephane Van Gelder. C’est le .app (comme application) qui est le plus convoité avec 12 offres.
Dans les quatre ou cinq mois à venir, les concurrents à une même extension négocieront un accord. S’ils n’y arrivent pas, l’Icann organisera une grande vente aux enchères. “Ce n’est pas un système très juste, mais l’Icann n’a pas trouvé mieux”, reconnaît Stéphane Van Gelder. L’Icann empochera le prix de la vente.

La motivation des grands groupes, qui risquent d’être les grands gagnants de l’affaire, s’explique par le fait que ces extensions peuvent devenir des machines à cash. Ainsi, le futur propriétaire du .game, par exemple, pourra louer à prix d'or cette extension à des sites qui voudront en bénéficier.

Ce n’est pas un hasard si des vétérans du Web parient gros sur cette affaire. L'Américain Frank Shilling, qui est devenu millionnaire en achetant et revendant des noms de domaine de deuxième niveau que d’autres oubliaient de déposer, est ainsi prêt à mettre 60 millions de dollars sur la table pour décrocher des extensions comme .art, .audio ou .cars. “C’est ici et maintenant que vont se faire certaines des fortunes du futur”, explique-t-il au site spécialisé dans les nouvelles technologies Cnet.

Il faudra cependant attendre mi-2013 pour voir sur le Net les premiers sites utilisant l’une de ces nouvelles extensions.

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