Le second tour de la présidentielle égyptienne mettra aux prises le candidat islamiste Mohamed Morsi et un cacique du régime de Moubarak, Ahmed Chafik. L'analyse de Tewfik Aclimandos, chercheur et spécialiste de l’Égypte.
FRANCE 24 : Les résultats de l'élection présidentielle en Égypte constituent-ils une vraie surprise, notamment la lourde défaite d’Amr Moussa ?
Tewfik Aclimandos : C’est surtout derrière le duo de tête qu’il y a de grosses surprises.
Si l’on compare les sondages d’intentions de vote avec le résultat final, Hamdeen Sabbahi [nationaliste arabe, qui a obtenu environ 20 % des suffrages ndlr] a triplé son résultat.
La chute d’Amr Moussa [l’ancien chef de la Ligue arabe qui faisait figure de favori du scrutin ndlr] est également une vraie surprise. Il était inimaginable que l’écart entre lui [Amr Moussa a obtenu près de 10 % des voix ndlr] et le duo de tête soit si important. Le souci, c’est qu’il n’a jamais été en mesure de clarifier vraiment son message, tandis que les autres candidats s’affirmaient, à l’image de Mohamed Chafik, qui a clairement durci son discours sur la sécurité par exemple.
Vers qui peuvent se tourner les révolutionnaires au second tour, alors que les résultats du scrutin les placent dans une situation inconfortable ?
T.A. : L’état-major révolutionnaire n’a absolument aucune envie d’aller vers Ahmed Chafik [dernier Premier ministre de l’ère Moubarak, favori de l’armée et de la minorité copte, arrivé second lors du premier tour ndlr]. Et il est probable que ses troupes fassent le même choix. En revanche, les chefs de file du mouvement révolutionnaire peuvent envisager de négocier avec le candidat des Frères musulmans, Mohamed Morsi. La question est de savoir si la confrérie sera prête à faire des promesses et des gestes à leur endroit. Et ces fléchissements devront intervenir avant même le second tour.
Du côté des révolutionnaires, deux lignes d’analyse se distinguent. Certains estiment que donner la présidence aux Frères musulmans serait un suicide puisqu’ils dirigent déjà le Parlement. Pour d’autres, la priorité reste de déloger les derniers pontes de l’ancien régime coûte que coûte. Et si la première ligne est celle qui prédomine au moment du vote, une forte abstention de ces électeurs n’est pas à exclure.
Des recours pour fraude ont été déposés dans la foulée de l’annonce des résultats. Comment analysez-vous le déroulement de ce scrutin ?
T.A. : Ce que l’on peut dire, c’est qu’il s’agit du scrutin le plus transparent de toute l’histoire de l’Égypte. Évidemment, tout n'a pas été parfait. Sur tous les recours qui ont été déposés, certains étaient légitimes et d’autres plus absurdes. Mais au final, je pense que les résultats officiels reflètent assez fidèlement le rapport de force actuel.