
, envoyé spécial FRANCE 24 à Alger – Pour les observateurs européens déployés en Algérie à l’occasion des législatives, le scrutin du 10 mai s’est déroulé dans des conditions "globalement satisfaisantes". La rue algérienne se montre beaucoup plus sceptique...
Alors que nombre d’Algériens ne cachent pas leur scepticisme vis-à-vis de l’écrasante victoire du Front de libération nationale (FLN) aux élections législatives du 10 mai, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE UE), forte de 150 personnes déployées en Algérie, se veut beaucoup plus modérée.
Le président fondateur du parti radical islamiste Front de la Justice et du Développement (FJD), Abdallah Djaballah, a dénoncé dimanche à l'AFP le scrutin législatif du 10 mai en Algérie qui a laminé les islamistes. Il a de plus menacé le pays d'une révolution.
"Nous ne reconnaissons pas ces résultats, a-t-il déclaré dans un entretien téléphonique. Ils ont fermé la porte du changement par les urnes et il ne reste à ceux qui croient au changement que le choix tunisien", a-t-il dit.
"Ces élections sont une mascarade" et "constituent une agression contre la volonté du peuple", a encore affirmé M. Djaballah, deux fois candidat malheureux à la présidentielle, en 1999 et 2004, contre Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis douze ans.
Invitée pour la première fois par les autorités à l’occasion de ce scrutin - le premier dans le pays depuis le Printemps arabe -, la mission estime qu’il faut se "féliciter du fait que les élections à l’Assemblée populaire nationale [APN] se sont déroulées de façon fondamentalement pacifique".
Visiblement soucieux de ne froisser personne, le chef de la MOE UE, l’Espagnol José Ignacio Salafranca, n’a cessé de marcher sur des œufs lors de la présentation de ses premières conclusions, samedi 12 mai, rappelant à plusieurs reprises que ses observateurs n’étaient "venus pour donner des leçons à personne, mais pour présenter une évaluation impartiale, indépendante, minutieuse et documentée du scrutin".
La campagne électorale
Pour les observateurs européens, la campagne électorale s’est globalement déroulée dans le calme, même s’ils relèvent que "les partis de l’Alliance présidentielle [FLN et RND] ont été les plus présents (…) et disposaient des moyens les plus conséquents". "Le mécanisme d’attribution des messages gratuits dans les médias publics a été transparent et ceux-ci ont généralement consacré une couverture équitable pour tous les candidats", poursuivent-ils. "Malgré l’équilibre observé en règle général, l’application de la réglementation concernant le principe d’équité a reposé sur des critères de couverture rigides qui n’ont pas permis le développement d’un véritable débat", tempèrent-ils cependant. Et de pointer du doigt la presse écrite, coupable selon eux d’avoir "octroyé aux partis de l’Alliance présidentielle et aux membres du gouvernement une couverture plus large et positive". Parmi les points noirs encore soulignés, figurent l’absence des "thèmes relatifs au boycott et à l’abstention (…) dans les médias publics" ainsi que l’obstacle représenté par "l’établissement de nombreux partis à trois mois du scrutin" seulement, ce qui "n’a pas permis à la population de se familiariser pleinement avec leurs programmes et objectifs".
Le déroulement des législatives
La Mission a constaté une atmosphère généralement calme et ordonnée durant les opérations de vote, depuis l’ouverture jusqu’au dépouillement. "La majorité des bureaux de vote ont ouvert à l’heure, avec l’ensemble du matériel nécessaire à leur fonctionnement", se félicite l’équipe de M. Salafranca. La presse locale ayant rapporté de nombreux litiges le jour J, la mission concède toutefois avoir enregistré "quelques incidents ponctuels (…), du fait principalement du déroulement d’activités de campagne ou de la présence de matériel de propagande électorale à proximité des centres de vote". Qualifiant le taux de participation de modéré - 42,36 % -, elle déplore une sensibilisation insuffisante des électeurs aux procédures, beaucoup ayant eu des difficultés à trouver leur bureaux de vote, ainsi qu’une utilisation insuffisante de l’encre prévue pour l’émargement des listes, qui aurait également pu servir "à prévenir le vote multiple".
La transparence du scrutin
L’UE estime que les réformes électorales ont apporté un certain progrès en matière de transparence et d’établissement des mécanismes de contrôle. Selon les observateurs, l’organisation des élections a été efficace grâce à une bonne préparation technique et logistique ainsi qu'en raison de la mise en place de "deux instances de contrôle du processus électoral".
La suite des conclusions des observateurs de l’UE soulève plusieurs points. Ils notent en effet qu’"une plus grande transparence serait assurée en garantissant l’accès systématique à toutes les étapes du processus de compilation et de consolidation des résultats", que la loi relative au régime électoral ainsi que "cinq autres lois concernant les élections comprennent certains vides juridiques et incohérences". De même, "le système d’enregistrement des électeurs présente certaines faiblesses structurelles susceptibles d’affecter la confiance de certains partis politiques et des organisations de la société civile", souligne-t-elle.
Quant au refus du ministère de l’Intérieur de lui donner accès au fichier électoral national sous prétexte que celui-ci contient des données confidentielles, il ne semble pas beaucoup émouvoir M. Salafranca. "Le refus affiché des autorités de [le] communiquer à la Mission (…) ne correspond pas à la volonté affichée de transparence" des autorités, se contente-t-il d’affirmer. L’affaire a pourtant soulevé une vive polémique dans la presse algérienne ces derniers jours.
Crédit photo principale : Jean-Baptiste Marot