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Le retrait des troupes françaises d'Afghanistan, un dossier délicat pour Hollande

Le nouveau président élu est-il en mesure de tenir sa promesse d'un retrait anticipé des troupes françaises d'Afghanistan ? À quelques jours du sommet de l’Otan, les alliés de la France, notamment l'Allemagne, laissent entendre leur mécontentement.

L'un des premiers défis de François Hollande sur la scène internationale sera sans nul doute de rassurer les alliés de la France au sein de l'Otan concernant l’Afghanistan. Durant la campagne électorale, le président élu s’est engagé à y retirer les troupes combattantes françaises à la fin 2012, deux ans avant la daté fixée pour ses alliés de la force internationale d'assistance et de sécurité (Isaf) qui soutient Kaboul face à la rébellion des Taliban.

"Je considère que, sans prendre le moindre risque pour nos troupes, il convient de retirer les troupes combattantes fin 2012", a-t-il dit le 2 mai, quelques jours avant son élection. "J'annoncerai cette décision dès le sommet de l'Otan de Chicago [...] pour que nous engagions ce processus. Je le ferai en bonne intelligence avec nos alliés", a-t-il souligné.

Merkel appelle à respecter le calendrier de retrait

Certains alliés n’ont pas attendu le sommet de l’Otan, prévu les 20 et 21 mai, qui suivra le sommet du G8, le 18 et 19 mai, pour afficher une certaine réserve à l’égard de cette annonce. La chancelière allemande Angela Merkel a appelé, ce jeudi 10 mai, à respecter le calendrier de retrait des troupes internationales fixé par l'Otan à fin 2014. "Le principe qui vaut pour le gouvernement allemand est : nous sommes entrés ensemble (en Afghanistan ndlr], nous sortirons ensemble", a-t-elle martelé.

De son côté, le président américain Barack Obama a appelé François Hollande pour le féliciter dès le jour de son élection et lui proposer des entretiens bilatéraux à la Maison Blanche avant les sommets internationaux en évoquant "les dossiers difficiles" qu'ils auront à gérer en commun.

Les soldats français représentent le cinquième contingent étranger avec 3 500 hommes sur les 130 000 que compte l'Isaf. Après la mort de plusieurs soldats mi-janvier, le président sortant Nicolas Sarkozy avait finalement avancé le retrait des troupes françaises à fin 2013, au lieu de fin 2014.

François Hollande va, semble-t-il, être sommé de s’expliquer sur cette promesse électorale. Pourtant, aucun pays n’a besoin du soutien de ses alliés pour prendre de telles décisions, s’accordent à dire les spécialistes. "Un membre de l’Otan est tout à fait en droit de se retirer d’Afghanistan s’il le décide", commente Guillaume Lasconjarias, historien militaire et chercheur à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem). Par le passé, d’autres pays ont déjà engagé une politique de retrait : en août 2010, suite à un changement de majorité, les Pays-Bas ont décidé de retirer leurs troupes de la province de l' Oruzgan (centre de l'Afganistan), le Canada a mis un terme à sa mission en juillet 2011et les troupes britanniques sont en train de mettre en place leur désengagement.

Pour sa première réunion de l’Otan, François Hollande ne devrait pas revenir sur cette décision. "Il ne va pas prendre le risque de perdre toute sa crédibilité", précise Pascal Boniface, directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Surtout que son choix ne devrait pas affecter ses relations ni avec son homologue américain, ni avec l’Otan, estime Guillaume Lasconjarias. Pour sa part, le président américain n’a aucun intérêt à s’opposer avec François Hollande sur ce sujet", estime Pascal Boniface. "La France reste un allié nécessaire sur de nombreux autres dossiers, ajoute-t-il. D’autant que la guerre en Afghanistan est perdue depuis longtemps, et que les troupes vont être amenées à se retirer petit à petit."

Substituer les instructeurs aux soldats de combat

Mais avancer le calendrier de retrait est-il réellement possible ? "Si la France se retire à la fin de l'année, nous serons préoccupés mais nous respecterons sa décision", a indiqué à l'AFP le porte-parole du ministère afghan de la Défense, Daulat Waziri.

Un compromis pourrait être trouvé si le nouveau président français décide de s'en tenir aux troupes combattantes, estime Guillaume Lasconjarias. "Il faudrait que les missions de combat soient transformées en missions d’instruction pour former l’armée afghane. C’est ce qu’on appelle les équipes de liaison et de tutorat opérationnel [Elto]", explique-t-il. Les 3500 soldats actuellement sur place pourraient alors être remplacés par quelque 200 instructeurs.

"Mais ces opérations restent difficiles à mener et sont dangereuses, précise Guillaume Lasconjarias. Car plus on se désengage rapidement, plus la prise de risques est grande." Et la question logistique reste complexe à gérer. "Il n’est pas possible de transporter le matériel par la route habituelle qui passe par le Pakistan car elle est fermée, il faudrait donc faire appel à la voie aérienne, utiliser des gros porteurs et faire de nombreuses rotations", précise-t-il. Au total, 1 500 conteneurs et 1 200 véhicules, dont quelque 500 blindés lourds, et 14 hélicoptères doivent être rapatriés.

François Hollande a d’ailleurs lui-même reconnu que l'évacuation du matériel prendra "plus de temps" que celle des hommes et qu'elle se poursuivra au-delà de la fin de l'année. "Non seulement il faudrait plutôt tabler sur fin 2013, précise Guillaume Lasconjarias. Mais cela coûtera aussi très cher."