logo

Damas ignore la date butoir du plan Annan

Alors que l'armée syrienne poursuit ses opérations militaires malgré l'expiration du délai fixé par le plan Annan, le Conseil de sécurité de l'ONU enjoint Damas de cesser les combats avant le jeudi 12 avril.

"Le gouvernement syrien aurait dû envoyer un signal politique fort en faveur de la paix avant le 10 avril (...), mais ça ne s'est pas produit." Ce regret exprimé dans une lettre adressée au Conseil de sécurité de l'ONU par l’émissaire international pour la Syrie, Kofi Annan, sonne comme un constat d’échec. En effet, conformément à son plan de sortie de crise, le régime syrien aurait dû retirer, ce mardi 10 avril au plus tard, ses troupes et ses armes lourdes des zones urbaines afin de permettre un cessez-le-feu total 48 heures plus tard.

"Damas bafoue ses engagements", juge le chef de la diplomatie française

AFP - La lettre adressée mardi par l'émissaire spécial de l'ONU et de la Ligue arabe au Conseil de sécurité de l'ONU "démontre et confirme à quel point Damas bafoue ses engagements", a déclaré mardi soir le chef de la diplomatie française Alain Juppé.

"La communauté internationale constate d'ores et déjà que Damas n'a pas respecté ses obligations du 10 avril. Bachar al-Assad a menti à Kofi Annan, qui bénéficie du soutien total de la communauté internationale", a poursuivi M. Juppé dans une déclaration écrite.

Or dans ce courrier, le diplomate ghanéen indique que les forces du président Bachar al-Assad se sont retirées de certaines villes syriennes, mais que des "opérations militaires" ont eu lieu dans d'autres agglomérations. Il demande, par conséquent, que Damas "change fondamentalement de ligne de conduite" et modifie de "manière indiscutable" son dispositif militaire. Une demande appuyée par le Conseil de sécurité de l'ONU qui a, dans la foulée, appelé le régime syrien à cesser les combats avant le jeudi 12 avril. Toutefois, malgré l’expiration de la date butoir fixée au régime syrien par ses soins, l'envoyé des Nations unies et de la Ligue arabe juge prématuré d’évoquer l’échec de son plan.

La poursuite des opérations de l’armée régulière syrienne fait pourtant douter plusieurs capitales occidentales de la volonté de Damas de mettre fin aux violences. Ainsi, aucun retrait militaire n'a été constaté, a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Pis, l'armée a bombardé une localité de la province d'Alep (nord) et des quartiers de la ville de Homs (centre), selon des militants cités par l’AFP. En outre, l'entrée en vigueur du plan semblait également compromise par plusieurs conditions fixées par Damas. "Je demande à nouveau au gouvernement syrien et aux autres parties syriennes de cesser la violence en accord avec le plan [de paix] et je pense qu'il ne doit pas y avoir de pré-conditions pour cesser la violence", a répliqué le diplomate ghanéen, ce mardi, au cours d'une conférence de presse, après avoir visité un camp de réfugiés syriens en Turquie.

"Un mensonge flagrant et inacceptable"

De son côté, la Syrie assure, elle, avoir commencé à appliquer le plan de sortie de crise qu’elle avait accepté le 2 avril. "Nous avons déjà effectué le retrait des unités militaires de certaines provinces. J'ajoute que nous allons continuer à prendre des positions positives à l'égard du plan de Kofi Annan", a déclaré le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem, en visite à Moscou, au cours d'une conférence de presse avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. Ce dernier a toutefois exhorté son allié syrien à se montrer "plus actif" et "plus ferme" dans l'application du plan.

Autant de déclarations qui n’ont pas convaincu la France et le Royaume-Uni, qui accusent le régime syrien de gagner du temps. Paris a dénoncé une "nouvelle expression d'un mensonge flagrant et inacceptable". Selon le porte-parole du Quai d’Orday, Bernard Valero, les déclarations des autorités syriennes "témoignent d'un sentiment d'impunité contre lequel la communauté internationale doit absolument réagir". De son côté, Londres juge que le pouvoir syrien semble "n'avoir aucune intention de tenir ses engagements". Enfin, la Maison Blanche a affirmé espérer que le Conseil de sécurité de l'ONU agirait vis-à-vis de la Syrie "si M. Annan conclut que le régime Assad n'a pas respecté ses propres engagements".

Tensions à la frontière syro-turque

Mais c’est surtout sur un autre front diplomatique que la tension est sensiblement montée d’un cran ce mardi. Au lendemain des tirs en provenance de Syrie qui ont fait six blessés sur le sol turc, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a haussé le ton, estimant qu'"il s'est produit une très claire violation de la frontière (…). Nous prendrons évidemment les mesures nécessaires", a-t-il poursuivi. Il a en outre accusé les soldats syriens d’être dépourvus de pitié et "de tirer même dans le dos des gens qui s'enfuient", rapporte l'Agence anatolienne de presse.

La Syrie a rétorqué, de son côté, en accusant Ankara de saper le plan Annan en aidant les opposants au régime de Bachar al-Assad. "La Turquie héberge des groupes armés, a installé des camps d'entraînement et leur permet de franchir la frontière illégalement et de se livrer au trafic d'armes à partir de son territoire", a affirmé Walid Mouallem depuis Moscou.

Si Recep Tayyip Erdogan n’a pas précisé quelles seraient les "mesures nécessaires" qui seront prises par son gouvernement, la presse turque a dévoilé ces derniers jours plusieurs "scénarios de crise" qui seraient à l’étude, évoquant notamment la création d'une zone tampon le long de la frontière. Lundi, le quotidien Milliyet affirmait que si le nombre de réfugiés syriens en Turquie dépassait les 50 000 (25 000 réfugiés syriens sont actuellement installés dans plusieurs camps situés en Turquie), Ankara envisagerait la création de "couloirs humanitaires" à la frontière protégés par l'armée turque.