Après avoir entretenu le suspense à grand renfort de discours, le Front national annonce avoir obtenu les 500 parrainages nécessaires pour concourir à la présidentielle. La suite d’un feuilleton... que le FN joue depuis 1988.
"C’est la plus vieille série de la vie politique, même à la télé il n'y en a pas qui dure aussi longtemps", a ironisé Nathalie Kosciusko-Morizet. La porte-parole du candidat Sarkozy réagissait, mardi matin, à l’annonce du Front national (FN) qui se félicite, avec tambours et trompettes, d’avoir obtenu les 500 parrainages nécessaires pour concourir à l’élection présidentielle, à trois jours de la clôture du dépôt des dossiers. Sur son compte Twitter, Marine Le Pen, candidate du FN, évoquait le sujet avec des trémolos : "Je serai candidate à l'élection présidentielle. Le système qui a voulu m'en empêcher vient de perdre une bataille MLP."
itLe FN a-t-il surjoué la dramatisation ou a-t-il réellement eu toutes les peines du monde à réunir le nombre suffisant de signatures ? "Ce n’est pas qu’une ritournelle que le FN entonne à chaque élection présidentielle", analyse Jean-Yves Camus, politologue, spécialiste de l’extrême droite. "Jean-Marie Le Pen n’a déposé que 507 parrainages en 2007. Il a passé la barre ric-rac !"
Depuis son échec en 1981, faute de signatures, le Front national joue la même partition : pleurer l’absence de soutien, hurler après les partis dominants qui voudraient empêcher une candidature frontiste à la présidentielle, supplier les maires et les militants de se mobiliser. Or, à compter du scrutin de 1988, le parti n’a jamais échoué. "Ce refrain est très répétitif", admet Erwann Lecœur, politologue également spécialiste de l’extrême droite. "Il y a d’autres candidats qui ont des problèmes de parrainages, et ils n’en font pas le même usage médiatique. La recherche des signatures est un des moments les plus importants de la campagne du FN, c’est l’occasion d’une longue complainte médiatique."
Et pourtant, explique Jean-Yves Camus, "le FN se doit d’entretenir le suspense pour mobiliser les militants. Le parti n’a pas atteint le même degré de professionnalisation que les grandes structures politiques. Ils ont besoin d’exercer un minimum de pression sur leur base". Le Front national ne dispose que de 120 élus, des conseillers régionaux pour la plupart, et d'aucun maire." Il n’y a donc pas que du bluff dans le discours de Marine Le Pen", insiste le politologue. Les banques ont refusé de prêter de l'argent au FN tant qu’un doute subsistait sur la candidature frontiste. Et Marine Le Pen a assuré avoir annulé récemment deux meetings en province compte tenu de cette incertitude.
"L'UMP a maintenu la pression"
Durant ces dernières semaines, le Front national a fait enfler la rumeur : l’UMP aurait-il exercé des pressions pour que le parti d’extrême droite n’ait pas ses signatures ? Louis Aliot, numéro 2 du FN, affirmait mardi sur la chaîne i-Télé détenir "des dizaines de preuves", qui laissent à penser que "l'UMP a maintenu une pression jusqu'au bout pour (les) empêcher de les avoir". Pourquoi le parti majoritaire le ferait-il ? Marine Le Pen expliquait son point de vue, début mars, sur FRANCE 24 : "Le problème, c'est que, à la différence de 2007, où ça avait déjà été très difficile, je suis très haut dans les sondages. Par conséquent, vous pensez bien que les partis UMP et PS n'ont pas du tout envie que je vienne perturber le système et que je puisse être au second tour."
Empêcher ou pas la candidature de Marine Le Pen ? C’est un débat qui a bel et bien eu lieu au sein de l’UMP il y a deux mois, confirme Jean-Yves Camus. Nicolas Sarkozy a ensuite tranché le débat, en s’exprimant à plusieurs reprises en faveur de la candidature de son adversaire frontiste. Le parti majoritaire n’aurait pas souhaité que les électeurs de Marine Le Pen sanctionne massivement Nicolas Sarkozy au second tour pour le punir d'avoir entravé la candidature de leur favorite. "Marine Le Pen peut même servir de lièvre pour l’UMP au second tour", analyse Erwann Lecœur.
Avec ou sans intimidation, le Front national a désormais ses 500 signatures en poche – en attendant l’aval du Conseil constitionnel le 19 mars – et annonce vouloir relancer sa campagne électorale, "aller au contact des électeurs". "Maintenant, elle remonte sur le ring électoral", a abondé son allié Gilbert Collard, promettant que Marine Le Pen ferait désormais de nouvelles propositions.