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Des femmes africaines appellent à la retenue au Sénégal

À deux jours de l’élection présidentielle et dans un contexte tendu émaillé de manifestations incessantes contre Abdoulaye Wade, candidat à sa propre succession, des associations de protection des droits de la femme appellent à l’apaisement.

“Le week-end dernier, mon fils de 29 ans qui travaille dans le quartier de la Médina sortait du travail. Dans la rue, il y avait des affrontements entre la police et des manifestants. Il a couru, est tombé, la police l'a attrapé. Elle l'a pris pour l'un des protestataires... À 1h du matin, on m'a appelée pour me dire qu'il avait le bras, la jambe et le cou cassés”, raconte Rokhhatou Gassama. “Les policiers l'avaient laissé tomber du pick-up dans un autre quartier. Roué de coups de pieds, de coups de matraque, il avait le visage déchiré, on voyait toutes ses dents. Il a fait une hémorragie interne. Depuis, il ne peut plus se lever.”

“Rockhy” est décidée, avec l'aide de la Plateforme de veille des femmes pour des élections apaisées au Sénégal, à créer une association de mères dont les fils et les maris sont victimes des violences policières depuis le début des émeutes. “Accompagnées de juristes, nous appellons les hôpitaux pour tenter de connaître le nombre de victimes.” Dix personnes seraient mortes depuis le début des émeutes au Sénégal. Mais le nombre de blessés reste inconnu. 

Voilà l'une des missions que se sont fixées hier les femmes réunies au sein de la Plateforme, réunissant nombre d'ONG, soutenue notamment par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et UN Women. Elles viennent de tout le continent africain “soutenir (leurs) sœurs sénégalaises”: Guinée, Mauritanie, Liberia, Sierra Leone, etc. et n'ont qu'un objectif : la paix.

“Quand Mamadou Diop est mort, le 31 janvier, c'est le moment où nous avons décidé de nous soulever”, explique Fatou Sarr Sow, coordinatrice du caucus des femmes leaders. “Nous faisons pression pour que les femmes des candidats appellent à l'apaisement. Nous sommes apolitiques. Nous voulons simplement dire aux candidats : asseyez-vous, et négociez. Nous offrons notre médiation.” En vain, même si Fatou Sarr Sow a l'impression que, depuis l'appel des femmes à un apaisement, la police se montre moins agressive, notamment depuis le soulèvement engendré par le tir d'une grenade dans une mosquée de Dakar.

Le collectif rencontre les différents candidats à la présidentielle du 26 février. Mais le président-candidat Wade est toujours aux abonnés absents. “Nous avons tenté de le rencontrer, sans succès. En attendant, nous essayons de passer par les femmes appartenant à son parti. Peut-être que lorsque nous nous rencontrerons, il nous expliquera pourquoi il n'a pas eu un seul mot d'apaisement. S'il considère qu'il a bâti ce pays, alors il ne devrait pas contribuer à sa destruction”, soupire Fatou Sarr Sow, poursuivant : “Tout est possible.

La situation est extrêmement tendue. Au-delà des morts, il y a tous ces blessés. Nous ne sommes pas dupes : c'est une campagne, chacun adopte une attitude guerrière. Mais dans ces situations, les femmes et les enfants sont toujours les premières victimes.”

En attendant un improbable apaisement, deux jours de formation ont été offerts aux femmes sénégalaises : dimanche 26 février, jour de l'élection, elles seront réparties dans plusieurs bureaux de vote du pays afin de surveiller le processus électoral.

Fraude, intimidations, violences... Toutes les informations notées par les observatrices remonteront à la “situation room”, située à Dakar, qui pourra ainsi les comparer avec les résultats officiels. “Nous sommes à un tournant décisif de l'histoire du Sénégal. Les élections auront lieu comme prévu, dimanche. Mais ce n'est pas seulement par le vote que nous aurons la vérité”, indique Bintu Djibo, du PNUD.

Marie-Louise Baricako, Burundaise et directrice exécutive de l'ONG Femmes Africa solidarité, qui agit dans les domaines de la prévention, de la gestion et de la résolution de conflits sur le continent, conclut :“La paix ne se négocie pas, ne s'échange pas. Quand on sait ce qu'elle vaut, j'espère que vous ne connaîtrez jamais ce que c'est que de vivre en en étant privé. Que Dieu vous bénisse.”