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La difficile mission de Kofi Annan, émissaire conjoint sur la crise syrienne

L'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a été nommé émissaire conjoint des Nations unies et de la Ligue arabe en Syrie. Après des mois d'impasse diplomatique, le prix Nobel de la paix 2001 pourra-t-il trouver une issue à la crise syrienne ?

L'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a été nommé, jeudi 23 février, "émissaire conjoint des Nations unies et de la Ligue arabe sur la crise en Syrie". Selon le communiqué commun des deux organisations, le Ghanéen sera chargé d'offrir ses bons offices afin de promouvoir une issue pacifique à la crise syrienne. Le texte précise en outre que Koffi Annan sera assisté par un "adjoint choisi dans la région arabe".

Au vu de la situation critique sur le terrain (la ville de Homs, dans le centre du pays, est pilonnée depuis 21 jours) et de l’impasse diplomatique, la nomination du lauréat du prix Nobel de la paix en 2001 semble représenter un dernier espoir. Pour l'heure, aucune information n'a été donnée sur le début de sa mission.

Pour Frédéric Encel, spécialiste en géopolitique et maître de conférence à Sciences-Po, "choisir Kofi Annan, qui n’est ni arabe ni occidental, comme médiateur en Syrie c’est miser sur un homme dont le prestige et l’expérience ne sont pas contestables."

Une mission qui s’annonce des plus ardues

Dans un communiqué, l'ex-patron de l'ONU (19967-2006) écrit qu'il "compte sur la pleine coopération de tous les acteurs concernés et toutes les parties prenantes et sur leur soutien à cet effort déterminé et conjoint des Nations unies et de la Ligue arabe pour contribuer à mettre fin à la violence et aux violations des droits de l'Homme, et pour promouvoir une solution pacifique à la crise syrienne".

Depuis plus de 11 mois, la Syrie est en proie à un soulèvement sans précédent, violemment réprimé par le régime de Bachar al-Assad. Et tous les efforts diplomatiques déployés depuis de long mois par les Occidentaux ou les Arabes se sont révélés infructueux et ce en raison, notamment, de l’indéfectible soutien de Moscou et de Pékin à Damas. Deux résolutions condamnant la répression ont ainsi été bloquées à l’ONU. Ce vendredi encore, la Russie et la Chine ont refusé de participer à la réunion de Tunis et ont réaffirmé leur position contre toute ingérence dans les affaires syriennes.

Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le gouvernement russe a cependant fait savoir, ce vendredi, qu’il était prêt "à une coopération étroite avec Kofi Annan pour chercher les voies vers un règlement acceptable pour tous" de la crise syrienne. Pékin a également salué la nomination de l’ancien secrétaire général de l’ONU.

"Pas de solution tant que Moscou soutiendra Damas"

Mais selon Frédéric Encel, ce qui peut sembler comme une évolution en apparence n’est pas de nature à changer la donne. "Le fait que les Russes acceptent de coopérer avec Annan ne veut rien dire, ils avaient également annoncé qu’ils coopéreraient avec le chef soudanais de la mission des observateurs de la Ligue arabe", rappelle-t-il.

Pour lui, la nomination d'Annan n’est pas une solution. "Aucune solution diplomatique ne pourra fonctionner en Syrie tant que Moscou continuera de soutenir le régime de Bachar al-Assad, estime-t-il. La Russie est d’autant plus déterminée dans sa position qu’elle a trop d’intérêts en jeu en Syrie et qu’elle a le sentiment d’avoir été flouée avec l’affaire libyenne."

La nomination de Kofi Annan est survenue la veille de la première conférence des amis de la Syrie, réunie ce vendredi à Tunis. Organisée par la Ligue arabe, ce sommet, auquel participent plus  de 60 pays arabes et occidentaux ainsi que des représentants de l’opposition syrienne, a pour but, entre autres, de définir un plan d’aide humanitaire pour les civils syriens. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), plus de 7 600 personnes ont péri depuis le début de la contestation le 15 mars 2011.

Homs est plus particulièrement en proie à une crise humanitaire, assiégée et bombardée depuis le 4 février, les habitants y manquent de tout selon les ONG, et notamment d’électricité, d’eau de médicaments, de farine ou de lait.

Pour Frédéric Encel, "Assad n’est ni Ben Ali ni Moubarak, il n’est pas homme à se retirer". "Le président syrien va continuer à jouer le strict rapport de force, tant que ce dernier est en sa faveur, c’est-à-dire tant que l’armée lui est fidèle", conclut-il.