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En campagne, Barack Obama abandonne son célèbre ''yes we can''

Si le président Barack Obama a remporté la présidentielle de 2008 en ciblant des thèmes tels que l’espoir et le changement, sa campagne pour l'élection de 2012 semble axée sur de nouveaux arguments. Analyse de FRANCE 24.

Le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney a récemment indiqué à des journalistes que le président Obama passe "relativement peu de temps" à faire campagne en vue de l’élection de novembre, car il est trop occupé à gouverner. Cependant, alors que Mitt Romney se rapproche de l’investiture républicaine, la stratégie de campagne du président actuel commence à se dessiner, accordant a priori peu de place aux idéaux portés en 2008.

Lors de sa campagne il y a quatre ans, le candidat Obama avait séduit les électeurs américains avec des promesses allant au-delà des débats partisans qui agitent habituellement la classe politique américaine. Son message, inscrit sur l’espoir et le changement, apparaît aujourd'hui dépassé en ces temps de crise économique. Finie l’ère du "Yes we can",  le célèbre slogan de 2008. Ses équipes de campagne travaillent aujourd’hui sur des thèmes plus terre à terre : mettre en avant la - timide - reprise économique et dénigrer les républicains.

Mettre en avant "l'équité"

La campagne d’Obama consistera tout d’abord à valoriser le bilan du président sortant : la réforme du système de santé (healthcare), le sauvetage de l’industrie automobile, la mort de Ben Laden, le retrait d’Irak et la fin de la loi controversée "Don’t ask don’t tell", qui obligeait les soldats américains à cacher leurs préférences sexuelles.

Mais l’économie est le principal souci des électeurs et aucun président américain n’a jamais été réélu avec un taux de chômage supérieur à 7,2 % depuis Franklin Delano Roosevelt en 1940. Si la faible reprise économique se confirme dans les prochains mois, Obama devrait se présenter comme le président qui a surmonté la crise, laissant entendre que les républicains entraîneraient à nouveau le pays vers le bas.

Ari Berman, l’auteur du livre “Le combat pour reconstruire le Parti démocrate et redessiner la politique américaine", estime que cette stratégie repose intégralement sur les futurs chiffres de l’emploi. "Si le chômage continue de baisser, Obama a davantage de chances de rester à la Maison Blanche", indique-t-il à FRANCE 24.

Privé d’un bilan économique flatteur, dont il aurait pu s’enorgueillir, le président mettra l’accent sur les différences idéologiques qui le séparent des républicains dans ce domaine. Dans un billet publié récemment sur le site du New York Times, l’universitaire Stanley Fish indique qu’Obama devrait s’appuyer sur le problème de l’équité.

Selon lui, les Américains ne trouvent pas choquantes les inégalités salariales, perçues comme des conséquences inévitables de l’économie de marché, mais ils ne tolèrent pas le fait que tous ne disposent pas des mêmes chances. "Aux yeux de la plupart des Américains, il n’y a pas de problème à ce que Mitt Romney gagne plus qu’eux", écrit-il. "Mais ils ne trouvent pas juste que Mitt Romney soit imposé à un taux inférieur à celui de sa femme de ménage… Le président Obama peut porter ce thème d’équité jusqu’à… un second mandat."

S’en prendre aux républicains

Si Romney finit par emporter l’investiture républicaine, Obama va se servir de l’historique de ses avis d’imposition pour faire de son rival "une créature de Wall Street et ‘des 1 %’, qui veut protéger les gens qui nous ont plongé dans ce chaos [économique]", assure Ari Berman.

Un avis partagé par un autre analyste, Darrel West, qui officie à la Brookings Institution : "Obama va devoir soulever les points négatifs de Romney. C’est la seule manière pour lui de surmonter le mauvais état de l’économie", analyse-t-il pour FRANCE 24.

Pour ce faire, l’équipe de campagne d’Obama s'appuiera sur les arguments de Newt Gingrich, qui a dépeint Mitt Romney comme un capitaliste sans âme dont la fortune provient de licenciements effectués à tour de bras. Les gaffes que Romney a commises de manière récurrente tout au long de la campagne des primaires devraient constituer un autre angle d’attaque. La dernière en date a vu le candidat républicain lancer sur CNN qu’il n’était "pas inquiet pour les très pauvres"…

Obama souligne d'ores et déjà ce qui le différencie de Romney. Lors d’un discours prononcé mercredi dernier en Virginie, il a dévoilé un plan qui doit permettre aux propriétaires d'une maison de refinancer leurs prêts, une attaque dissimulée en direction de Romney, qui avait déclaré la veille que le marché immobilier devait toucher le fond avant d’espérer pouvoir se refaire.

L’une des stratèges démocrates de l’État du Colorado, Laura Chapin, confie à FRANCE 24 que Barack Obama devrait se présenter comme étant "aux côtés de l’Américain moyen, quand les républicains soutiennent les riches et divisent le pays entre ceux qui possèdent tout et ceux qui n’ont rien".

Recréer un réseau de soutiens

Les supporters de Barack Obama étaient nombreux en 2008 : les jeunes électeurs, les Afro-américains, les Latinos, les femmes célibataires… Ils lui ont permis de s’imposer dans des États longtemps acquis aux républicains, tels que la Virginie, le Nevada et l’Indiana.

Mais 2012 devrait être bien différent, prévient Laura Chapin. "Obama va-t-il devoir travailler plus dur pour cette campagne ? Absolument. Le côté novateur est terminé et l’économie commence seulement à redémarrer. Les marges vont être plus serrées qu’en 2008".

Un article récemment publié dans le New York Times évoque la possibilité qu’Obama n’essaye même pas de séduire "les employés blancs" et qu’il se contente de consolider une coalition de centre gauche, composée de personnes aisées, de progressistes et des minorités.

En attendant, l’équipe de campagne d’Obama tente de remettre sur pied une armée de bénévoles pour soutenir le candidat, comme il y a quatre ans. Les démocrates étudient par ailleurs les différentes combinaisons d’États qui permettraient de recueillir les 170 votes nécessaires à une victoire finale (loin des 365 remportés en 2008).

Quoi qu’il arrive, la campagne s’annonce difficile pour Obama et son adversaire, dans un contexte économique tendu. "Attendez-vous à une élection vilaine et négative" met en garde Darrel West de la Brookings Institution. "Ça ne va pas être joli".