
Alors que la primaire républicaine se déroule ce mardi en Floride, Mitt Romney bénéficie d'une large avance dans les sondages face à l’ultraconservateur Newt Gingrich. Les deux candidats se livrent une bataille féroce pour cet État-clé.
Tranchant singulièrement avec l’ambiance décontractée habituellement de mise sur sa côte tropicale, la Floride s’est métamorphosée ces derniers jours en théâtre d’un combat sans merci entre candidats républicains, à l’approche de la primaire du parti conservateur mardi 31 janvier.
Une semaine après sa défaite écrasante face à Newt Gingrich en Caroline du Sud, Mitt Romney, ancien gouverneur de l’État du Massachusetts, revient en force, caracolant depuis plusieurs jours en tête des sondages à force d’incessantes attaques contre son rival politique.
Le fougueux Gingrich, s’est imposé en candidat du terroir, proche du peuple (anti-establishment), cherchant à unir les sympathisants du Tea Party et des ultra conservateurs religieux contre la campagne à gros budget de Romney et le courant centriste qu’il représente.
La Floride est un État particulièrement convoité qui, en 2008, avait majoritairement voté en faveur d’Obama. Elle fait partie des "swing states", ces États dont les préférences politiques ne sont pas clairement définies.
La situation économique de la Floride n’est pas brillante. La reprise s’y fait attendre, davantage que partout ailleurs aux États-Unis. Les résultats de la primaire seront décortiqués pour déterminer l’état d’esprit de son électorat.
Autre point spécifique à l’État de Floride : ses particularités démographiques. "Il y a un panel d’électeurs républicains beaucoup plus large en Floride qu’autre par", explique le politologue John Fortier du Centre bipartisan d’études politiques basé à Washington. "Dans le nord de l’État, on trouve plutôt des conservateurs évangéliques blancs, alors que le sud est le fief de la communauté cubaine, ainsi des retraités et des citoyens plus âgés."
Romney montre ses dents
Il y a quelques jours seulement, les perspectives de victoire de Romney en Floride étaient beaucoup plus fragiles. Mais après son échec cuisant en Caroline du Sud, le candidat a montré un tout autre visage, autrement plus agressif que celui qu’il avait jusqu’à présent affiché. Il a adopté une stratégie du "tout ou rien" face à la menace grandissante que représentait son rival Newt Gringrich.
Après des semaines à critiquer Obama, Romney a désormais recentré ses attaques contre Gingrich, ne reculant devant aucun procédé : publicités, discours, débats, soutien de personnalités comme John McCain, sénateur et candidat malheureux à présidentielle américaine de 2008, ou l’acteur Jon Voight.
La combativité de Romney la semaine dernière, au cours de deux débats télévisés en Floride, ont cependant largement contribué à booster sa cote de popularité, au détriment de son adversaire. Et ce malgré une vive polémique concernant le faible montant des impôts qu’il paie, alors qu’il est à la tête une fortune évaluée à plusieurs millions de dollars.
Au cours d’un débat jeudi dernier en Floride, Gingrich a tenté d’attaquer Romney sur ses investissements dans les banques Freddie Mac et Fanny Mae, deux régies immobilières renflouées par l’État en 2008 et pointées du doigt pour avoir exproprié à tour de bras les propriétaires en difficultés. Une situation commune dans l’État de Floride. La réplique de Romney ne s’est pas fait attendre : "Avez-vous vérifié vos investissements? Vous avez aussi des investissements chez Freddie Mac et Fannie Mae", a lâché, cinglant, l’ancien gouverneur du Massachusetts, laissant sans voix un Newt Gingrich d’ordinaire acerbe. Une telle tension s’était installée sur le plateau de télévision que le député chrétien-conservateur Rick Santorum est intervenu, demandant que MM. Romney et Gingrich cessent leurs "mesquineries politiques" et se "concentrent sur les dossiers".
Ces dernières semaines, Romney a également consacré des sommes phénoménales à la diffusion de clips télévisé et l’envoi de mails. L’objectif : rappeler que Gingrich qui tente de s’imposer en chantre de l’opposition au gouvernement central en a été l’un des rouages en tant que président de la Chambre des représentants, la chambre basse du Parlement.
Les idées grandioses de Gingrich ont également été une précieuse source d’inspiration pour le conservateur mormon. Sa proposition d’installer une colonie permanente sur la lune en 2020 dévoilée mercredi dernier a par exemple provoqué l’hilarité de Romney et de son équipe, qui ont brandi ce projet comme la preuve de la nature erratique de leur adversaire. "C'est peut-être une grande idée, mais ce n'est pas une bonne idée", a répliqué Romney, invoquant le coût pharaonique d’un tel projet.
Gingrich veut rester en course
Malgré ses piteuses performances au cours des deux derniers débats et une série de sondages donnant une nette avance à Romney, Gingrich a assuré qu’il se battrait jusqu’à la convention républicaine d’août prochain. "Je convertirai une majorité de non-Romney en une majorité de pro-Gingrich", a-t-il annoncé.
Gingrich lorgne en effet les voix du conservateur Rick Santorum, qui pourrait abandonner la course à l’investiture – il n’est crédité que de 12% des voix selon un récent sondage, contre 29% pour Gingrich et 38% pour Mitt Romney. Ce qui selon son analyse, en tant que seule alternative ultraconservatrice au libéralisme de Romney, le propulserait en tête des sondages.
Un scénario hautement improbable, selon Larry Sabato, professeur de politique à l’Université de Virginie. "Si Santorum se retire, ses soutiens se répartiront entre Gingrich et Romney", prédit-il au cours d’une interview téléphonique avec FRANCE 24.
John Fortier, du Centre de politique bipartisan, estime lui aussi que la nomination de Gingrich à la convention républicaine s’annonce difficile, surtout si Romney sort, comme prévu, vainqueur de la primaire en Floride. "Même si Gingrich remporte plusieurs primaires dans des États de Sud, il lui sera difficile d’obtenir le soutien d’une frange assez large de républicains, dans différents États, pour poursuivre jusqu’à la fin", affirme le chercheur.
Néanmoins, Gingrich s’est battu avec succès contre l'offensive de Romney, qui militait pour un rapprochement des différents courants républicains en Floride en vue de la primaire. "Comment quiconque pourrait penser qu’un modéré issu du Massachusetts, ce qui pour les républicains équivaut à un centriste, serait en mesure de d’affronter avec Obama ?", s’est interrogé le candidat de l’aile droite du parti conservateur.
L’équipe de campagne d’Obama se délecte de ces luttes intestines au sein du camp républicain. La cote de popularité d’Obama a d’ailleurs gagné quelques points depuis le lancement des primaires.
Mais pour John Fortier, la propre histoire politique d’Obama prouve que le camp démocrate ne tirera pas forcément bénéfice d’une longue et impitoyable luttte entre Romney et Gingrich. "La longue bataille [entre Obama et Hillary Clinton] pour la primaire démocrate en 2008 n’a pas affecté la victoire d’Obama à l’élection présidentielle, rappelle-t-il. La lutte entre les deux républicains ne devrait donc pas nuire à Romney. Au final, les électeurs reviennent toujours vers leur parti".