Un an après le soulèvement populaire qui aboutit à la chute du régime de Hosni Moubarak, des milliers d'Égyptiens dénoncent l'emprise de l'armée sur le pays. Et entendent poursuivre une révolution qu'ils jugent "inachevée".
Le 25 janvier 2011, l’Égypte entrait en ébullition. Un an plus tard, le pays marque le premier anniversaire du début du soulèvement qui a renversé le potentat Hosni Moubarak. Pourtant, c’est dans un climat de méfiance et de rancœur à l’encontre du processus de transition politique que les Cairotes ont afflué ce matin sur la place Tahrir, épicentre de la "révolution du Nil". Au centre des critiques : l’armée égyptienne. Plusieurs mouvements, à l’origine du soulèvement, ont appelé à manifester ce mercredi contre le Conseil suprême des forces armées (CSFA) chargée d’assurer l'intérim dans l’Égypte post-Moubarak.
Perte de légitimité
Car un an après, les militaires qui avaient été accueillis en héros à la fin de janvier 2011, détiennent toujours les rênes du pouvoir en dirigeant le pays par décrets et en nommant le gouvernement civil. "Je suis à nouveau dans la rue parce que rien n’a changé depuis l’année dernière, la révolution n’a servi à rien puisque le système reste le même que celui de Moubarak, l’uniforme militaire est identique, seuls les visages ont changé", peste Amr, un jeune manifestant de la place Tahrir contacté par FRANCE 24.
Pis, de nombreux mouvements et personnalités en Égypte estiment que l'armée, épine dorsale du système depuis la chute de la monarchie en 1952, s'accroche au pouvoir en ralentissant le processus de démocratisation, pour mieux conserver une partie de ses privilèges et de son influence politique. Notamment en exploitant les divisions qui rongent la scène politique du pays et
en entretenant la peur du chaos. "Les Égyptiens attendent avec impatience que l’armée transfère le pouvoir aux civils, car ils estiment que les militaires se sont montrés incapables de diriger et de stabiliser le pays", souligne Tamer Ezz el-Din, correspondant de FRANCE 24 au Caire. Des accusations rejetées par le CSFA qui affirme vouloir tenir son engagement à restituer le pouvoir exécutif aux civils après l'élection présidentielle prévue, selon eux, avant la fin juin.
Gestes de bonne volonté
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L'Égypte a levé mercredi 25 janvier l'état d'urgence en vigueur depuis 30 ans
Pourtant, soumis à la pression de la rue et
surveillés de près par les grandes puissances,
à commencer par l’influent allié américain, les militaires multiplient les gestes de bonne volonté depuis le début de l’année. À la veille de l’anniversaire du 25 janvier, le maréchal Hussein Tantaoui, qui dirige le CSFA, a ainsi annoncé la levée partielle de l'état d'urgence. En vigueur depuis l’assassinat du président Anouar el-Sadate, en 1981, cette législation était le symbole de la répression et de l'arbitraire de l’ancien régime. Mais son maintien, dans certains cas, comme les "délits violents", a été dénoncé par des groupes de défense des droits de l'Homme, qui jugent cette définition trop vague et propice à des abus.
Autant de gages qui peinent pourtant à convaincre. "La présidentielle sera décisive, si l’échéance du mois de juin n’est pas respectée, il faudra s’attendre à une mobilisation générale des Égyptiens contre l’armée qui débouchera inévitablement à une confrontation", explique à FRANCE 24, Ahmad Naji Kamha, directeur de l’Unité des études de l’opinion publique égyptienne au Centre Al-Ahram, au Caire.
Pour l’heure, d’après les analystes, la majorité des Égyptiens accordent aux généraux le bénéfice du doute. Mais certains "révolutionnaires" appartenant à des mouvements issus de la révolte anti-Moubarak qui ont connu une déroute aux récentes législatives, exigent de leur côté le départ immédiat du maréchal Tantaoui, qui fut le ministre de la Défense du président Moubarak pendant 20 ans, et des autres généraux au pouvoir, sans attendre l’élection présidentielle. "Il nous faut en terminer avec l'influence de l'armée sur la vie politique, Tantaoui et ses acolytes doivent partir immédiatement", conclut Amr.