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Malgré les menaces de représailles diplomatiques d'Ankara, les sénateurs français devraient voter ce lundi en faveur de la loi pénalisant la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915 reconnu comme tel en France.

"Je crois en la sagesse collective des intellectuels et des sénateurs français, j’espère qu’elle va permettre d’éviter toute décision malencontreuse lundi et dans les semaines à venir". En dépit des apparences, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, ne se fait pas beaucoup d’illusions sur l'examen, ce lundi au Sénat, d'une proposition de loi sanctionnant la négation des génocides reconnus par la France, dont celui des Arméniens en 1915 qu’Ankara n'a cessé de contester.

Déjà approuvé par une très large majorité à l’Assemblée nationale française le 22 décembre dernier, le texte devrait probablement être adopté par les sénateurs. Une proposition déja rejetée par la commission des Lois du Sénat, cette dernière arguant de l'anticonstitutionnalité du texte, notamment celle liée à la liberté d'expression.
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REPORTAGE
Loi sur les génocides : Ankara menace Paris de "sanctions permanentes"
"Sanctions permanentes"
C’est dans ce contexte que le chef de la diplomatie turc a menacé Paris de nouvelles représailles lors d'un entretien exclusif accordé à FRANCE 24, diffusé le 21 janvier. Se sentant explicitement visé par le vote des députés, le gouvernement turc avait gelé sa coopération militaire et politique avec la France en décembre. "Qui peut croire que la Turquie restera silencieuse ? Il y aura de nouvelles sanctions et cette fois elles seront permanentes, jusqu'à ce que la France change sa position", a prévenu Ahmet Davutoglu. Et d’ajouter : "personne ne doit s’attendre à ce que la Turquie adoucisse son point de vue, car il s’agit d’une attaque contre ses valeurs humaines". 
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La riposte turque est déjà prête
Loi sur les génocides : Ankara menace Paris de "sanctions permanentes"

Il a également souligné que si les sénateurs adoptaient le texte, ce serait "une tache noire dans l'histoire intellectuelle de la France" et que la Turquie rappellerait "à chaque occasion" aux Français l'erreur qu'ils ont commise. De source proche du gouvernement, on souligne que la Turquie prévoit de rappeler son ambassadeur à Paris, pour une durée indéterminée. Ankara exigerait aussi le départ de l'ambassadeur français et pourrait réduire le niveau de sa représentation diplomatique en France. Une riposte dans le domaine commercial et économique est aussi d'actualité.

"Moi, Davotuglu, serai-je traduit devant la justice ?"
Le ministre a par ailleurs affirmé qu'avec l'adoption de cette loi, "il n'y aura plus de visite officielle à Paris" de responsables turcs. "Supposons que moi, ministre des Affaires étrangères de mon pays, je vienne à Paris, et que je prétends que ce qu’il s’est passé en 1915 n’est pas un génocide, serai-je traduit devant la justice ? S'il y a une question d'un journaliste, comment pourrais-je me taire ?", a demandé M. Davutoglu, évoquant le caractère pénal de la loi qui prévoit de punir d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende la négation de génocide. "Si chaque jour des dizaines de Turcs résidant en France disent qu’ils ne reconnaissent pas le prétendu génocide et qu’ils refusent que leur histoire soit insultée, est ce qu’ils seront arrêtés par la police française et déférés devant les tribunaux ?", s’est-il interrogé.
 
Génocide ou massacre ?

La Turquie reconnaît que des massacres ont été commis et que quelque 500 000 Arméniens ont péri en Anatolie entre 1915 et 1917. De leur côté, les Arméniens évoquent un génocide commis par les Turcs, reconnu par la loi française, qui a coûté la vie à 1,5 million de morts.

En outre, Ahmet Davutoglu a dénoncé le calendrier d’une proposition de loi "opportuniste", insinuant qu’elle est motivée par l'approche des échéances électorales de 2012 (NDLR : 500 000 Français d'origine arménienne vivent dans la métropole). "S’il s’agit d’un problème aussi important, pourquoi est-elle discutée à quelques mois de la présidentielle ?".
Directement mis en cause, le président Nicolas Sarkozy avait tenté vendredi d'apaiser la colère des Turcs. Dans une lettre au Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, il avait demandé de "faire prévaloir la raison" à propos d'un texte qui, assure-t-il, ne vise "nullement un peuple ou un État en particulier".