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Zabadani, "première ville libre de Syrie" ?

Assiégée et bombardée pendant six jours jusqu'au retrait de l'armée syrienne mercredi, Zabadani respire à nouveau. Cette ville située près de la capitale est même devenue le symbole de l'efficacité de la résistance armée contre le régime.

Après Benghazi la Libyenne, Zabadani la Syrienne ? Mercredi, plusieurs dizaines de chars et de véhicules blindés des forces du président Bachar al-Assad qui affrontaient des éléments de l'Armée syrienne libre (ASL), se sont retirés de cette localité située entre Damas et la frontière syro-libanaise. Assiégé et bombardé jour et nuit pendant six jours, le nouveau foyer de la révolte populaire contre le régime respire à nouveau. Ses habitants et les membres de l’Armée libre ont paradé dans la ville pour fêter l’évènement.

"Première ville libre de Syrie?"
Et pour cause, selon l’opposition, c’est à la suite d'un accord de cessez-le-feu avec l’ASL que l’armée régulière syrienne a mis un terme à cette offensive majeure, la première depuis l'arrivée dans le pays des observateurs de la Ligue arabe le 26 décembre. Même s’il n’a pas été confirmé par les autorités et par les médias officiels, cet accord, combiné au retrait militaire, constitue un évènement sans précédent. Certains commentateurs et des activistes syriens n’ont pas hésité à qualifier Zabadani de "première ville libre de Syrie".
Ce lieu de villégiature de 40 000 habitants, prisé pour son climat et habité en grande majorité par une population relativement aisée, principalement sunnite avec une minorité chrétienne, n’était pourtant pas prédestiné à devenir un bastion de la contestation ; contrairement à Deraa, cité désoeuvrée du sud du pays et berceau du soulèvement populaire. Un symbole d’autant plus fort que la bourgeoisie syrienne est souvent accusée d’appuyer le président Bachar al-Assad. Mais cette ville n’est pas seulement réputée pour sa douceur de vivre, elle est surtout stratégique d’un point de vue géographique, "puisqu’elle n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres au nord-est de la capitale mais aussi parce qu’elle est nichée dans une région montagneuse qui surplombe un certain nombre de résidences de l’élite du régime, dont la garde présidentielle", explique à FRANCE 24 Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du monde arabe et professeur à l'université Paris-XI.
Certains s’empressent aujourd’hui de la comparer à la ville de Benghazi, fief originel des rebelles libyens qui s’étaient soulevés l’an dernier contre le colonel Kadhafi. "Je pense que la résistance acharnée et les défections au sein de l'armée ont poussé le régime à négocier", a déclaré Kamal al-Labouani, un des chefs de file de l’opposition syrienne interrogé par Reuters. Selon l'Observatoire syrien pour les droits de l'Homme (OSDH), basé à Londres, l’armée syrienne a essuyé de lourdes pertes humaines et matérielles durant le siège.
Prudence et méfiance
En tenant tête au régime, l’ASL a donc démontré que si elle ne pouvait pas vaincre l’armée, elle avait les moyens de stopper un assaut. "Il s’agit d’un petit revers enregistré par le régime, mais d’un revers tout de même", souligne Khattar Abou Diab. Et d’ajouter : "Cela démontre qu’il y a de plus en plus de zones qui échappent au contrôle du pouvoir et que ce dernier semble perdre du terrain après dix mois de contestation". Pis, selon Mohammed al-Dais, membre de la Commission générale de la révolution syrienne qui s’est confié au quotidien britannique Telegraph, "l’ALS va profiter de ce retrait pour créer un espace sécurisé afin d’accueillir de futurs déserteurs dans la ville".
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"La volonté du régime est de ne pas commettre de massacre à Zabadani"
Ce que le régime de Bachar al-Assad ne peut accepter, pas plus que de rester sur une impression de défaite à même de galvaniser l’ALS et d’encourager les défections au sein de l'armée. D’autant plus que la nouvelle des "exploits" de l’ASL à Zabadani a fait le tour des réseaux sociaux, principal moyen de communication de l’opposition syrienne. À moins que ce retrait militaire ne soit délibéré et ne fasse partie d’une stratégie mise en place par le pouvoir . "Il faut rester prudent, Damas pourrait être en train de temporiser en attendant la fin de la réunion de la Ligue arabe prévue ce week-end, pour prouver sa bonne foi, explique Khattar Abou Diab. L’armée régulière pourrait contre-attaquer pour reconquérir la ville en employant la manière forte, seulement à l’issue des pourparlers", avertit Khattar Abou Diab.
Sur place aussi, la méfiance est de mise chez certains habitants de Zabadani. "L’armée des Assad s’est retirée sur une distance de sept kilomètres, dans une base militaire, ce qui veut dire qu’elle peut revenir à n’importe quel moment", précise néanmoins Fares Mohamed, membre des Comités locaux de coordination (LCC) qui chapeautent les manifestations sur le terrain, contacté par FRANCE 24. "Il ne peut y avoir de cessez-le-feu avec ce genre de régime et une armée entraînée et financée depuis 40 ans", conclut-il.

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