Les autorités syriennes ont annoncé jeudi la formation d'une commission d'enquête sur les circonstances de l’attaque qui a coûté la vie au journaliste Gilles Jacquier, tué mercredi par un obus à Homs, haut lieu de la contestation en Syrie.
AFP - Damas a annoncé jeudi la création d'une commission d'enquête sur la mort de Gilles Jacquier, premier journaliste occidental tué en Syrie depuis dix mois, au moment où de plus de plus de mouvements et de personnalités se disent déçus par les observateurs arabes.
Le secrétaire général de la Ligue arabe s'inquiète des risques d'une guerre civile en Syrie, avec des conséquences pour les pays voisins.
"Oui, je crains une guerre civile et les événements que nous observons et entendons pourraient déboucher sur une guerre civile", a déclaré Nabil Elarabi dans une interview diffusée vendredi par la chaîne de télévision égyptienne Al Hayat.
"Tout problème en Syrie aura des conséquences pour les pays voisins", a ajouté le chef de l'organisation panarabe, qui a envoyé des observateurs dans le pays pour superviser la mise en oeuvre d'un plan de sortie de crise après dix mois de répression sanglante de manifestations contre le président Bachar al Assad.
La mission s'emploie actuellement à préserver sa crédibilité alors que plusieurs de ses membres ont commencé à la quitter en dénonçant son impuissance et que l'opposition syrienne estime qu'elle permet avant tout au régime de gagner du temps.
Nabil Elarabi a qualifié de "préoccupants" les comptes rendus du chef de la mission. Il a toutefois réfuté de récentes conclusions du sous-secrétaire des Nations unies Lynn Pasco, selon qui la répression se serait accentuée depuis l'arrivée des observateurs. ( )
Il ne fait "aucun doute que le rythme des morts violentes a baissé grâce à la présence des observateurs", a-t-il déclaré.
La mission présentera un rapport détaillé aux ministres des Affaires étrangères de la Ligue les 19 et 20 janvier.
Ceux-ci, a précisé Nabil Elarabi, décideront si cela vaut la peine de poursuivre ou non la mission.
La communauté internationale, en premier lieu le président français Nicolas Sarkozy, avait réclamé l'ouverture d'une enquête, et appelé le régime à assurer la protection des journalistes sur son territoire.
Le gouverneur de Homs, Ghassane Abdel Al, a ordonné la création d'une commission d'enquête sur les circonstances de l'"attaque terroriste" qui a coûté la vie au journaliste français et à huit Syriens, selon l'agence officielle Sana.
La télévision officielle syrienne a accusé "un groupe terroriste" d'avoir "tiré des obus sur des journalistes étrangers", alors que l'opposition a accusé le régime de Bachar al-Assad, confronté depuis le 15 mars à une contestation populaire qu'il réprime dans le sang.
Cité par Sana, le ministre syrien de l'Information, Adnane Mahmoud a dénoncé "l'attaque terroriste contre des journalistes étrangers alors qu'ils étaient en mission". "Cette action terroriste ne va pas nous empêcher de poursuivre notre coopération avec les médias pour qu'ils puissent rapporter la réalité", a-t-il dit.
Le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la majorité de l'opposition, a mis en cause le régime et dénoncé "un signal dangereux quant au passage des autorités à des opérations de liquidation physique des journalistes pour tenter de faire taire les médias neutres et indépendants".
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a lui demandé l'ouverture d'une enquête, indiquant ignorer l'origine des tirs.
A l'appel de militants pro-démocratie, plusieurs manifestations ont eu lieu jeudi dans différentes villes du pays en hommage à Gilles Jacquier.
La porte-parole du département d'Etat américain a déploré pour sa part que "le régime ne fourni(sse) pas aux journalistes (...) un environnement favorable".
Par ailleurs, Human Rights Watch (HRW) a demandé à la Ligue arabe de "condamner d'urgence" les forces de sécurité qui tirent sur les "protestataires pacifiques qui cherchent à contacter les observateurs arabes" déployés depuis le 26 décembre.
Mais la mission de l'institution panarabe a connu de nouveaux revers, avec deux observateurs qui se sont retirés pour "raisons personnelles ou médicales", selon la Ligue, tandis que l'un d'eux, l'Algérien Anouar Malek, a affirmé avoir démissionné en signe de protestation.
Dans le même temps, à l'intérieur du pays, des opposants ont jugé cette mission "décevante", craignant que son échec, faute de moyens et de liberté de mouvement, ouvre la voie à des ingérences étrangères.
Les observateurs "ne sont pas bien équipés et ne possèdent même pas de magnétophones pour enregistrer les témoignages. D'autre part, ils n'ont pu couvrir plusieurs régions car le protocole ne leur garantit pas la liberté de mouvement", a estimé l'opposant Fayez Sara.
itL'émissaire chinois pour le Moyen-Orient Wu Sike a également pressé les autorités syriennes de coopérer avec la mission, dénonçant des "difficultés" pour les observateurs.
Jeudi, dix-huit civils ont été tués par les forces de sécurité, sept à Deir Ezzor (est), quatre dans la province d'Idleb (nord-ouest) et sept à Homs (centre), selon l'OSDH.
A Damas, les forces de sécurité ont dispersé des manifestations étudiantes à coups de matraques électriques et arrêté plusieurs dizaines d'étudiants.
Aux frontières, la police turque a barré la route à un groupe d'environ 200 militants d'opposition syriens souhaitant se rendre en Syrie avec de l'aide humanitaire.
Un autre convoi, qui devait partir le même jour de Jordanie, a été annulé en raison du refus des autorités jordaniennes de le laisser passer, selon les militants.
Depuis la mi-mars, la répression a fait plus de 5.000 morts, selon l'ONU. Mais le régime ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation et accuse des "bandes terroristes armées" manipulées par des pays étrangers qui "complotent" contre la Syrie, selon M. Assad.
Par ailleurs, les militants pro-démocratie ont appelé les Syriens sur Facebook à manifester vendredi pour "soutenir l'Armée syrienne libre" (ASL), qui regrouperait quelque 40.000 déserteurs et dont le chef Riad al-Assaad est basé en Turquie.
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