
Au sortir d'une réunion à l’Élysée autour de Nicolas Sarkozy, le gouvernement a décidé lundi de soutenir la création d'une société coopérative par les salariés de SeaFrance pour la reprise de la compagnie de ferries en liquidation judiciaire.
REUTERS - Le gouvernement français soutient la création d’une société coopérative ouvrière pour la reprise de la compagnie maritime SeaFrance, en liquidation judiciaire, a annoncé lundi la ministre en charge des Transports Nathalie Kosciusko-Morizet.
A moins de quatre mois de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a pris lui-même en main ce dossier, dans lequel plus de 800 emplois sont en jeu, alors que le ministre délégué Thierry Mariani avait dénoncé vendredi dernier le « fanatisme » des syndicats et le peu de crédibilité du projet de coopérative.
« Le gouvernement a décidé de soutenir le projet de Scop au mieux des moyens de l’Etat», a dit Nathalie Koscisuko-Morizet lors d’une conférence de presse, après une réunion des ministres concernés à l’Elysée autour du président Nicolas Sarkozy.
« Ce qu’on est en train d’imaginer, c’est de donner les moyens aux salariés de prendre en main leur destin et d’investir, eux, dans une coopérative », a-t-elle ajouté.
L’Etat et la SNCF s’étaient vu interdire par la Commission européenne de recapitaliser la compagnie de ferries transmanche, filiale à 100% de la SNCF.
L’idée est de contourner ce veto en accordant aux salariés des indemnités ou des avances suffisantes pour qu’ils les réinvestissent dans une Scop assez dotée pour être viable.
« On est en train de regarder ce que seraient leurs indemnités et toutes les bonifications qu’on pourrait y ajouter », a expliqué la ministre de l’Ecologie. « A priori (...), il y a de quoi lancer cette société coopérative, reprendre les bateaux et garder les emplois. »
Selon le gouvernement, il faut entre 40 et 50 millions d’euros pour relancer SeaFrance en lui permettrant de garder ses quatre navires, une somme sur laquelle les collectivités locales ont déjà promis 11 à 12 millions. Les salariés devront donc, à travers le montage imaginé, fournir le solde.
LE TEMPS PRESSE
Le mécanisme envisagé constitue une forme de désaveu pour Thierry Mariani, qui militait pour une reprise de la compagnie par une société privée, Louis Dreyfus Armateur, solution rejetée par les salariés et leurs syndicats.
Nicolas Sarkozy s’est engagé samedi soir, lors de ses voeux aux Français, à faire de l’emploi, de la relance de l’économie, de la compétitivité des entreprises françaises et de la réindustrialisation de la France des priorités.
Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani ont ensuite revu lundi les syndicats de SeaFrance après un entretien entre le président de la SNCF, Guillaume Pepy, et le Premier ministre, François Fillon.
Les représentants des salariés se sont montrés prudemment optimistes.
« On a fait un pas de géant mais il reste beaucoup d’obstacles », a dit Didier Cappelle, secrétaire général du syndicat maritime CFDT et porteur du projet de Scop.
Il a dit craindre notamment que l’on impose à la future Scop d’acheter les bateaux.
Les montants des indemnités n’ont pas encore été précisés. Le temps presse puisque le tribunal de commerce de Paris doit statuer mardi sur le projet de Scop, le seul sur la table.
Selon la ministre de l’Ecologie, Guillaume Pepy sera présent à l’audience. De nombreux salariés de SeaFrance se rendront également à Paris pour soutenir leurs représentants, qui défendront leur projet devant le tribunal de commerce, a-t-on appris de source syndicale.
Thierry Mariani avait indiqué que la décision devrait être mise en délibéré mais selon Fouad Barbouch, avocat de la Scop, il n’est pas exclu qu’elle soit rendue mardi.
Le tribunal « peut mettre sa décision en délibéré ou prononcer une décision le jour même », a-t-il dit.
La Commission européenne a rejeté le 24 octobre un projet de recapitalisation en estimant que cela reviendrait à une aide directe de l’Etat et pénaliserait les concurrents de SeaFrance. La France a fait appel mais celui-ci n’est pas suspensif.
Reste aussi à savoir si le mécanisme envisagé est acceptable pour l’exécutif européen, très sourcilleux sur les aides d’Etat déguisées. « Nous prenons grand soin de trouver une solution juridiquement solide », assure Nathalie Kosciusko-Morizet.