logo

Les députés votent le texte de loi pénalisant la négation des génocides

L'Assemblée nationale a voté la proposition de loi réprimant la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915, malgré les pressions turques. Le texte prévoit un an de prison et 45 000 euros d'amende pour toute contestation publique.

AFP - Faisant fi des menaces de la Turquie, l'Assemblée nationale a adopté jeudi la proposition de pénalisation de la contestation de tout génocide, dont celui perpétré contre les Arméniens en 1915, dans un Palais-Bourbon en quasi état de siège.

Presque aussitôt, le ministre arménien des Affaires étrangères, Edouard Nalbandian a exprimé "la gratitude" de son pays. De son côté, le vice-Premier ministre turc Bülent Arinç a jugé que ce texte était une "trahison de l'histoire" et la Turquie a rappelé son ambassadeur à Paris, Tahsin Burcuoglu.

Le texte, voté à main levée et à une très forte majorité de la cinquantaine de députés présents, prévoit un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour toute négation publique d'un génocide reconnu par la loi.

La France reconnaît deux génocides, celui des Juifs pendant la seconde guerre mondiale et celui des Arméniens, mais ne punit jusqu'à présent que la négation du premier.

Dès le petit matin et pendant toute la durée des débats, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à proximité de l'Assemblée, à l'appel du Comité de coordination des associations franco-turques de France.

Ces manifestations résonnaient en écho à la fureur des autorités turques qui, depuis la semaine dernière, ont multiplié les menaces de représailles, diplomatiques et économiques.

Par contraste, le calme régnait dans les tribunes ouvertes au public dans l'hémicycle où avait pris notamment place l'ambassadeur arménien à Paris.

La proposition de loi, présentée par Valérie Boyer, députée UMP de Marseille où vit une forte communauté arménienne, avait reçu le soutien du gouvernement qui a permis son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Dès le début du débat, le ministre des relations avec le Parlement, Patrick Ollier, avait toutefois indiqué qu'il s'en remettrait à la "sagesse" de l'Assemblée, laissant donc théoriquement les députés libres de leur choix.

La Turquie rappelle son ambassadeur à Paris

La Turquie a rappelé jeudi son ambassadeur en poste à Paris pour protester contre l'adoption par les députés français d'une proposition de loi visant à pénaliser la négation des génocides, notamment le génocide arménien, a confirmé un responsable du gouvernement turc. Source: Reuters
 

La France a reconnu l'existence du génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001.

Au cours de la discussion générale, de nombreux élus de départements où vivent de fortes communautés arméniennes se sont succédé pour approuver le texte.

René Rouquet, député-maire PS d'Alfortville qui accueille la plus grande communauté arménienne de France, a cité Elie Wiesel: "tolérer le négationnisme, c'est tuer une seconde fois les victimes".

Ou encore François Pupponi, député-maire PS de Sarcelles, qui a souhaité un prochain vote favorable du Sénat à majorité de gauche. Un souhait partagé, en fin de séance, par Mme Boyer et l'ancien ministre UMP Patrick Devedjian, d'origine arménienne lui-même.

Malgré ce fort consensus, plusieurs voix discordantes se sont faites entendre, transcendant le clivage droite-gauche.

Le député UMP Michel Diefenbacher, président du groupe d'amitié France-Turquie, a souligné que "personne n'avait intérêt à souffler sur les braises". "Que dirions-nous, nous Français, si un autre pays venait nous dire ce qu'il faut penser du massacre des Vendéens sous la Convention et nous menacer de sanctions si nous pensions autrement?", a-t-il lancé.

Les UMP Jean-Philippe Maurer et Lionel Tardy sont revenus à la charge en demandant, en vain, de supprimer le premier et principal article du texte qui réprime "la contestation ou la minimisation outrancière des génocides reconnus par la loi".

"La France veut s'instaurer en premier procureur mondial", a dit M. Maurer en soulignant que le texte "ignorait les évolutions de la société turque et sous-estimait les capacités de la Cour internationale de La Haye".

L'ancien ministre socialiste Jean Glavany s'est rangé de leur côté en faisant valoir que ce n'était "pas au parlement d'écrire l'histoire mais aux historiens". "La République est une et indivisible: dans la course folle aux communautarismes il faut savoir dire stop!", a ajouté M. Glavany.

Une opinion absolument pas partagée par son collègue PS, Bruno Le Roux, porte-parole de François Hollande, qui a insisté sur "la cohérence de ce texte, 10 ans après la reconnaissance par la loi francaise du génocide arménien".