En prononçant la suspension du capitaine emblématique des Lions indomptables Samuel Eto’o pour 15 matchs, la Fédération camerounaise a franchi une nouvelle étape dans la guerre de gouvernance qui touche le football local.
Semaine après semaine, la descente aux enfers du football camerounais se poursuit. La Fédération camerounaise de football (Fecafoot), qui a suspendu Samuel Eto’o pour 15 matchs, vendredi, illustre un peu plus encore la rupture entre les instances et les joueurs des Lions indomptables.
Le capitaine emblématique de la sélection a piloté l’insurrection de novembre dernier – l’embarrassant Marrakechgate – au cours duquel les joueurs ont refusé de quitter la capitale marocaine, où ils étaient en stage, pour se rendre en Algérie disputer un match contre les Fennecs.
Samuel Eto’o manquera la grande majorité des matchs des campagnes qualificatives de la Coupe d’Afrique des Nations 2013 et du Mondial-2014.
Au-delà de l’aspect sportif, la mise au ban de Eto’o – et, dans une moindre mesure, du vice-capitaine Eyong Enoh, suspendu pour deux matchs – sonne comme une nouvelle déclaration de guerre de la Fédé aux internationaux camerounais.
Dans le journal des Sports de la radio Equinoxe, Jean II Makoun appelait, en novembre dernier, ses coéquipiers à publier une réponse commune contre les convocations des « meneurs » de l’insurrection par la Fecafoot.
Guerre d'ego
Le quadruple ballon d’or africain jouit d’une influence considérable dans le vestiaire. C’est sur son impulsion que les joueurs ont refusé de se rendre en Algérie pour disputer un match amical. Et, paradoxalement, la crise de novembre semble avoir ressoudé le vestiaire, comme l’expliquait le milieu de l’Olympiakos, toujours au micro de la radio Equinoxe : « Le capitaine parle, on le suit. […] Tout le monde était unanime. […] C’est un problème de principe et de respect, pas d’argent. »
La sanction prise par la Fecafoot à l’encontre de Samuel Eto’o pourrait, dans les prochaines semaines, être suivie d’action de la part de ses coéquipiers qui n’ont, semble-t-il, pas apprécié que les dirigeants du football camerounais profitent du Marrakechgate pour écarter les fortes têtes de la sélection.
En dépit de cette unité de façade, les Lions ne rugissent pas tous de concert. Au sein même de la sélection, la guerre d’ego fait rage et pèse lourdement sur les résultats sportifs. Ainsi, Samuel Eto’o mène depuis plusieurs mois une campagne afin que l’autre star de l’effectif, Alexandre Song, soit écarté.
Le 1er juin 2011, une déclaration publique de Roger Milla, l’emblématique avant-centre du Cameroun-90, alertait déjà l’opinion publique sur l’ambiance « délétère » au sein du groupe. « Ce qui se passe actuellement dans cette équipe est tout simplement déplorable, car, à cause des égos trop poussés des uns, l’atmosphère est redevenue plus mauvaise qu’avant », avait-il averti.
Une crise sans précédent
Trois jours plus tard, face au Sénégal, ses paroles avaient trouvé écho sur la pelouse. Samuel Eto’o avait outrepassé ses prérogatives de capitaine en empêchant l’un de ses coéquipiers de quitter le terrain malgré le choix du coach, Javier Clemente, de le remplacer.
Pour mémoire, l’autorité du sélectionneur avait déjà été contestée, au match aller. Mais, à l’époque, c’était la fédération qui avait désavoué le coach et sélectionné Benoît Assou-Ekotto et Joël Mattip, pourtant écartés du groupe.
Cette crise de gouvernance a précipité le Cameroun dans une crise sans précédent. Pour la première fois depuis 1994, il ne sera même pas à la Coupe d’Afrique des Nations 2012 (CAN), qu’il a remporté à quatre reprises au cours de son histoire (1984, 1988, 2000 et 2002).
La légende de 1990, où les Lions avaient renversé l’Argentine de Maradona et atteint les quarts de finale du Mondial italien, apparaît de plus en plus lointaine. Même le titre olympique glané par les espoirs à Sydney, en 2000, n’est plus de ce temps.
Aujourd’hui, le Cameroun pointe au 48e rang au classement mondial de la Fifa. Et il n’a même plus sa place dans le Top 16 africain, qui se retrouvera en janvier au Gabon et en Guinée équatoriale pour se disputer la 28e couronne continentale.