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L’agence de notation Moody’s a dégradé d’un cran, vendredi, la note de trois banques françaises, la Société Générale, la BNP et le Crédit Agricole. Un coup dur pour le secteur bancaire français mais qui n’est pas aussi arbitraire qu’il n'y paraît.

Après l’ensemble des pays de la zone euro et le Fonds européen de stabilité, les trois plus grandes banques françaises se retrouvent dans le collimateur d’une agence de notation. Moody’s a décidé en effet d’abaisser d’un cran, le 9 décembre, la note du Crédit Agricole, de la Société Générale et de la BNP, et invoque, pour justifier cette décision, les “contraintes de financement”, c’est-à-dire l’accès difficile à de l’argent sur les marchés des établissements français.

Moody’s n'est pas la seule agence de notation cette semaine à avoir pris le secteur bancaire en grippe. Mercredi, Standard & Poor’s avait placé sous surveillance négative les trois banques françaises. Pour sa part, cette dernière agence de notation ne s’était pas contentée du secteur bancaire français et avait nommé toute une série d’institutions financières européennes menacées par une dégradation de leur note. Pourquoi Moody’s a-t-elle de fait décidé de cibler uniquement trois établissements français ? Pascal de Lima, économiste spécialiste du secteur bancaire et enseignant à Sciences-Po Paris, explique à FRANCE 24 la situation particulière du secteur bancaire hexagonal.

France 24 : Pourquoi l’agence de notation Moody’s a-t-elle réservé un sort particulier aux banques françaises ?

Pascal de Lima : Cette dégradation s’explique principalement par l’exposition des banques françaises à la dette italienne. Elles détiennent davantage de dettes transalpines que leurs homologues europénnes et, de ce fait, auraient davantage de pertes si l’Italie venait à avoir des difficultés à rembourser ce qu’elle doit.
Mais il y a aussi un problème de fonds propres dont disposent ces établissements. Les banques européennes doivent, selon les accords de Bâles III sur la réglementation bancaire de septembre 2010, avoir des réserves d’argent sûres, équivalentes à au moins 7% de l’ensemble de leurs actifs d’ici à 2018. Pour les banques françaises sanctionnées, ces réserves sont à l’heure actuelle de 2% en moyenne ! Ces établissements ont surtout pris du retard sur le reste du secteur européen pour augmenter leurs fonds propres.

F24 : Quelles sont les conséquences de cette dégradation de la note pour les banques françaises ?

P. de L. : Elles sont avant tout d’ordre boursières. Le cours des actions de la Société Générale, de la BNP et du Crédit Agricole risque de baisser dans les jours à venir. Il faut espérer que la chute ne soit pas aussi forte que l’été dernier (la valeur boursière de ces banques avaient en quelques mois baissé de près de 30%, NDLR). Dans ce cas-là, elles deviendraient des cibles beaucoup plus faciles à une éventuelle acquisition. D’autant plus que certaines banques étrangères - notamment espagnoles - sont à l’affût pour racheter l'une de leurs homologues françaises.

F24 : Que peuvent faire les banques françaises pour regagner la confiance des marchés et des agences de notation ?

P. de L. : Les trois banques ont commencé à régler leurs problèmes mais elles doivent agir plus vite. Certes, elles se sont débarrassées d’une partie de la dette italienne et ont mis en place une feuille de route pour augmenter leurs fonds propres, mais il faut qu’elles rattrapent leur retard sur d’autres banques européennes. Un autre problème - mais qui ne dépend pas d’elles - est que les marchés ont l’impression que les banques (françaises, et plus généralement européennes) ne sont pas incitées à faire des efforts car elles sont convaincues qu’en cas de problèmes financiers graves, l’État viendra les renflouer. Elles doivent donc tordre le coup à cette image d’immobilisme qui ne plaît pas du tout aux investisseurs. Pour ce faire, la meilleure méthode reste l’application des réformes nécessaires pour augmenter leurs fonds propres.