Les révolutionnaires de la place Tahrir appellent à un nouveau rassemblement vendredi pour réclamer le transfert du pouvoir à un régime civil. De son côté, l'armée a chargé Kamal el-Ganzouri de former un nouveau gouvernement.
REUTERS - Malgré la promesse de l'armée égyptienne de créer un gouvernement de "salut national", les contestataires qui ont repris ces derniers jours la place Tahrir au Caire ont battu le rappel pour un "vendredi de la dernière chance".
Avec le renfort de syndicats, ils espèrent une mobilisation massive pour obtenir le départ immédiat des militaires, au pouvoir depuis la chute d'Hosni Moubarak, le 11 février dernier.
Les généraux du Conseil suprême des forces armées (CSFA) ont chargé pour leur part un ex-Premier ministre de l'ancien régime, Kamal Ganzouri, de former un gouvernement de "salut national".
Ce septuagénaire, ancien chef du gouvernement aux affaire à la fin des années 1990, a donné son accord de principe après un entretien avec le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, président du CSFA, précise jeudi soir le quotidien Al Ahram, citant l'entourage de Kamal Ganzouri.
Le CSFA a promis que les élections législatives, qui doivent se dérouler en trois phases, débuteraient lundi comme prévu. Répondant à la principale revendication des contestataires, les militaires ont également promis d'accélérer le transfert du pouvoir aux civils en annonçant que l'élection présidentielle, qui parachèvera la transition, aura lieu en juin, six mois plus tôt que le calendrier initialement prévu.
Mais les gestes des généraux n'ont pas apaisé la colère des manifestants qui occupent depuis le week-end la place Tahrir, épicentre de nouveaux affrontements avec les forces de sécurité qui ont fait 41 morts selon un nouveau bilan du ministère de la Santé diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi par la télévision publique.
Kamal Ganzouri est considéré comme un homme politique intègre, mais ses responsabilités sous le règne du "raïs" pourraient relancer les appels à une rupture totale avec l'ancien régime.
Son âge ne plaide pas non plus en sa faveur. "Ganzouri n'est pas bon pour la phase de transition. Il faut des dirigeants jeunes, pas des grands-pères", a ainsi estimé un manifestant interrogé alors que la nouvelle de sa nomination se répandait place Tahrir.
itConséquences économiques
Les manifestants ont appelé à une grande manifestation place Tahrir vendredi pour réclamer un transfert immédiat du pouvoir à un gouvernement de salut national.
Dans un communiqué, ils évoquent une marche réunissant un million de personnes à l'occasion de qu'ils appellent "le vendredi de la dernière chance".
M. el-Ganzouri, septuagénaire, a été de 1996 à 1999, Premier ministre sous Hosni Moubarak, chassé le 11 février par une révolte populaire.
Diplômé de la faculté d'agriculture de l'université du Caire et titulaire d'un doctorat en économie de l'université américaine du Michigan, ce fidèle du raïs déchu a occupé plusieurs postes importants sous le régime de M. Moubarak.
De 1975 à 1977, il a été gouverneur des provinces d'al-Wadi al-Gedid (désert occidental) et de Béni Soueif (Moyenne-Egypte), avant de diriger de 1977 à 1986 l'Institut de planification nationale, chargé d'évaluer la politique économique du pays.
Connu pour son calme et son sérieux, il avait conservé son poste de vice-Premier ministre et ministre du Plan de 1986 à 1996, en dépit de trois remaniements ministériels. (AFP)
La Fédération des syndicats indépendants a également invité les travailleurs à marcher sur Tahrir. Une autre organisation syndicale a lancé un mot d'ordre de grève générale en signe de solidarité avec les manifestants. L"hiver dernier, les syndicats avaient joué un rôle important dans le mouvement populaire qui est venu à bout du régime d'Hosni Moubarak.
Le CSFA a demandé pour sa part à ses partisans d'annuler la contre-manifestation qu'ils voulaient organiser ce vendredi.
Les généraux ont par ailleurs présenté leurs excuses pour la mort des manifestants et promis des indemnités aux familles des victimes. Dans un communiqué, le conseil militaire assure qu'il fera le nécessaire "pour éviter une répétition de ces événements" et promet une enquête.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les manifestants de la place Tahrir et les forces de l'ordre ont conclu dans la nuit une trêve qui a ramené le calme dans le centre de la capitale. Mais des barricades ont érigées pour fermer la rue Mohamed Mahmoud, scène de violentes échauffourées ces derniers jours.
Au terme d'une semaine ou presque de tension, le retour de ce climat de violence fait craindre à nombre d'Egyptiens que l'économie du pays, où le tourisme joue une part importante, aura encore plus de mal à se relever.
Jeudi, la Banque centrale a relevé ses taux directeurs pour la première fois depuis deux ans mais la livre égyptienne est tombée à six livres pour un dollar, pour la première fois depuis janvier 2005, et l'agence de notation Standard & Poor's a dégradé la note souveraine à long terme du pays de B+ à BB-.
Ces difficultés économiques pourraient servir la popularité de Kamal Ganzouri: lors de son passage à la tête du gouvernement, entre1996 et 1999, il avait pratiquement ramené le budget à l'équilibre, réduit l'inflation et maintenu la stabilité des taux de change.