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La Ligue arabe décidée à maintenir la pression sur Damas

La Ligue arabe, qui réclame l'arrêt "immédiat" des violences en Syrie, se montre de plus en plus critique à l’égard de Damas. De son côté, le régime syrien met en garde contre toute intervention étrangère.

Depuis quelques semaines, la Ligue arabe accentue sa pression diplomatique sur Damas. À l’issue de la réunion du comité ministériel de la Ligue à Doha ce lundi 31 octobre, le secrétaire général de l’organisation, Nabil al-Arabi, a dévoilé le contenu du plan de sortie de crise soumis la veille au régime syrien.

Ce plan exige l'arrêt "immédiat" de la violence en Syrie, où la répression d’un soulèvement populaire a fait 3 000 morts depuis sept mois selon les Nations unies. Il demande également le retrait des chars des rues et "l'amorce au Caire d'un dialogue national entre toutes les composantes de l'opposition et le régime", ce que Damas refuse jusqu'à présent. "L'ensemble de la région est exposée à une grande tempête. Et il importe que les dirigeants [syriens] sachent comment se comporter, mais pas par des tergiversations et des tromperies", a tancé le Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, qui présidait la réunion. De son côté, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, a promis de communiquer la réponse de son pays ce lundi.

Séisme

Déjà mercredi 26 octobre - à Damas, le même comité avait averti le président Bachar al-Assad que l'échec de la médiation de la Ligue aboutirait à une "internationalisation de la crise", selon plusieurs sources arabes citées par le quotidien koweïtien Al-Qabas. Mais loin de céder aux pressions extérieures, et ce malgré l’isolement croissant auquel fait face son régime, le président syrien est resté ferme. Dans un entretien publié dimanche par le journal britannique Sunday Telegraph, Bachar al-Assad a mis en garde les Occidentaux contre un "séisme" régional en cas d’intervention à l’encontre de son pays, qui partage ses frontières avec le Liban, la Turquie, l'Irak, Israël et la Jordanie. "Il existe une ligne de faille et, si vous jouez avec la Terre, vous risquez de provoquer un séisme", a-t-il averti.

Jusqu’à présent, toute intervention militaire contre le régime syrien a été "totalement exclue" par les Occidentaux et par l’Alliance atlantique, comme l’a encore affirmé ce lundi matin son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen. Dans l'avion qui l'amenait en Libye, au dernier jour des opérations militaires de l’organisation dans ce pays, ce dernier a rappelé les conditions de l’engagement de l’Otan contre le régime du colonel Kadhafi : "un mandat clair des Nations unies" et un "soutien fort et actif" des pays de la région, précisant que pour l’instant, "aucune de ces conditions n'était remplie en Syrie".

Le précédent libyen

Néanmoins, l'intervention militaire de l'Otan en Libye a créé un précédant important à même de faire réfléchir le régime syrien, explique à FRANCE 24 Paul Salem, politologue et directeur du centre Carnegie pour le Moyen-Orient basé au Liban. "La Syrie ne doit pas sous-estimer l’influence de la Ligue arabe, car n’oublions pas que c’est son feu vert qui a pavé la voie au vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU contre le régime de Kadhafi et qui a surtout légitimé l’intervention de l’Otan en Libye", souligne-t-il.

Selon le politologue, la Ligue arabe est passée à la vitesse supérieure depuis que les dirigeants arabes sont convaincus que le régime Assad, malgré ses menaces de chaos régional, ne pourra pas survivre à cette crise intérieure. "De cette conviction et d’une fin de non recevoir syrienne pourrait découler une prise de position forte de la Ligue arabe qui constituerait une étape fondamentale d’un scénario menant à une intervention internationale", poursuit Paul Salem. Parmi les pistes évoquées par le chercheur, l'organisation pourrait donner son feu vert pour "notamment légitimer une action militaire limitée de la Turquie voisine, qui pourrait être suivie de l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne" ordonné par le Conseil de sécurité.

"Plusieurs diplomates occidentaux m’ont récemment expliqué que dans le cas où la situation humanitaire empirerait et où un foyer de rébellion se constituerait à l’image de Benghazi en Libye, leurs pays pourraient être contraints par leurs opinions publiques respectives d’intervenir en cas de massacre annoncé", poursuit le politologue.

Mercredi, la Syrie sera de nouveau au centre d’une réunion de la Ligue arabe au Caire, "qu'il y ait accord ou pas" avec Damas, a précisé le cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani dimanche.