La victoire de François Hollande à la primaire socialiste a entraîné des réactions virulentes dans le camp présidentiel. Certains politologues estiment en effet que la candidature du député corrézien est une sérieuse menace pour l'UMP.
À peine a-t-il endossé son nouveau costume de candidat socialiste à la présidentielle dimanche que François Hollande a dû faire face aux piques de la majorité présidentielle. Comme la semaine dernière, c’est Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, qui a ouvert les hostilités. "Je pensais qu’il allait briguer jusqu’à 65% ou 70% des voix puisqu’il avait tout le monde avec lui", a lâché l’ancien ministre délégué au Budget, sur le plateau de France 2, en cherchant à minimiser le succès du député de Corrèze. De son côté, Christian Jacob, le patron des députés UMP, ironisait sur le résultat du soir : "Monsieur je ratisse tout, je ramasse tout mais je ne me positionne sur rien (…), et bien maintenant on va voir comment il va s’en sortir", a-t-il prévenu.
Dans cette avalanche d’amabilités, seul Patrick Devedjian, l’ancien numéro un du parti présidentiel, a salué la victoire du candidat, la jugeant "réelle". À la différence de ce que beaucoup pensent sûrement tout bas à l'UMP, le président du Conseil général des Hauts-de-Seine a reconnu que, "bien sûr", François Hollande était un "danger" pour Nicolas Sarkozy.
L’UMP fébrile ?
"Toutes ces réactions virulentes de la droite sont pour moi des symptômes de fébrilité", estime Mariette Sineau, politologue au centre de recherche de Sciences Po (Cevipof). "Il est évident que la candidature de François Hollande déstabilise son camp, voire qu’elle le fragilise."
"François Hollande est une personnalité consensuelle et rassembleuse, c’est une mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy", renchérit de son côté Gérard Grunberg, directeur de recherche au CNRS. Selon lui, le maire de Tulle est un compétiteur sérieux, capable de ravir à Nicolas Sarkozy une grande partie de l’électorat du centre tant convoité pour le poids qu'il représente dans une élection présidentielle. "Il pourrait attirer l’électorat de François Bayrou [chef de file du Modem, ndlr], voire créer une alliance avec ce dernier."
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"Martine Aubry était moins dangereuse"
La tâche s’annonce donc compliquée pour le président – qui ne s’est toujours pas déclaré candidat –, et dont l'entourage a souvent laissé entendre qu'il aurait préféré affronter la maire de Lille, Martine Aubry, plus facile pour lui à contrer, estime Mariette Sineau. Et cela, pour trois raisons.
Premièrement, développe la politologue, parce qu’elle ne draguait pas les mêmes électeurs que la droite. "Elle était moins dangereuse, elle incarnait la ‘vraie’ candidature socialiste, celle qui lorgnait l’électorat de Montebourg [celui le plus à gauche du PS, ndlr], pas l’électorat du centre, qui se reporte généralement sur le candidat de droite au second tour d'une présidentielle." Deuxièmement, continue-t-elle, parce qu’elle confortait la stratégie de Nicolas Sarkozy : "Entre l’extrême droite de Marine le Pen et la gauche dure qu'elle symbolisait, le président apparaissait facilement comme le modéré. Ce n’est plus le cas." Et enfin, termine la politologue, parce que la maire de Lille traîne une casserole politique, véritable pain béni pour l’UMP : "Elle est associé à la réforme des '35 heures', une mesure très décriée et impopulaire que Sarkozy lui aurait servi à toutes les sauces."
Hollande : un tribun hors pair
François Hollande, est, quant à lui, un candidat plus lisse. Si le fait de n'avoir jamais occupé de fonction ministérielle est un handicap que beaucoup lui reprochent, "c'est aussi un atout. De fait, il n'a aucune boulette politique à assumer", souligne Mariette Sineau. Loin d’être un sanguin, le maire de Tulle n’est pas non plus un adepte du rapport de force. C'est au contraire un homme posé, un trait de personnalité "agaçant" pour Nicolas Sarkozy, juge la politologue. "François Hollande est une personnalité qui n’offre pas de prise. Or, le président aime énerver ses adversaires, les pousser à bout politiquement."
Surtout, poursuit-elle, François Hollande possède un atout de taille dans la course à la magistrature suprême. C’est un tribun hors pair, "un bon orateur qui sait galvaniser les foules. Et sa bonhomie naturelle est un coup dur face au ‘bling bling’ de Sarkozy."
Reste à savoir si ces atouts permettront au maire de Tulle de s’imposer dans la course à l'Elysée. Car aujourd’hui, il lui reste tout à faire à six mois de l’échéance : séduire l’électorat populaire attiré par les extrêmes, trouver une alliance avec les Verts, et - bien sûr - rallier les voix du centre. "Il a tout à prouver mais il semble bien parti", estime Roselyne Febvre, spécialiste politique de FRANCE 24. Élu haut la main à la primaire socialiste (56%) par près de trois millions d’électeurs, omniprésent depuis quelques semaines sur la scène médiatique, "Hollande est bien positionné dans la course, on le sent libéré, attaquant", ajoute-t-elle avant de conclure : "C’est un homme d’une grande finesse d’esprit, à l’intelligence tactique brillante (…) Il est tout à fait légitime que l’UMP soit aujourd’hui passablement effrayée par sa candidature."