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Tunisie, Ennahda en campagne

Les islamistes d’Ennahdha sont les grands favoris des prochaines élections. Leur influence ne cesse de grandir depuis la chute de Ben Ali. Ils prônent pour la Tunisie une démocratie basée sur les valeurs de l'Islam. Mais derrière les discours, quels sont leurs projets?

La Tunisie vit ses premières élections libres. Le 23 octobre, les Tunisiens choisiront leurs représentants qui auront la lourde tâche de dessiner la Tunisie de demain au sein de l’assemblée constituante. Après une longue période de disette démocratique, le menu s’annonce copieux : pas moins de 115 formations politiques sont en lice pour participer à ce scrutin.

Pour toute une nation, cet enjeu s’apparente à un grand saut dans l’inconnu. Le contexte est, sinon tendu, extrêmement sensible. Après la révolution, tous les sentiments enfouis sous Ben Ali se sont exprimés : besoin de parler, de crier, de manifester, de militer, de dénoncer... Ces dernières semaines, le débat s’est concentré autour d’une seule formation politique : Ennahdha, "la Renaissance" en arabe. On a crié au danger islamiste, à la menace de voir la charia s’imposer en Tunisie, on a rappelé les propos très durs de son leader historique, Rached Ghannouchi dans les années 1990. "Ces derniers temps, le débat politique ne tourne plus qu’autour de ça : vous êtes avec ou contre Ennahdha, s’énerve un jeune Tunisien. Cela pourrit le jeu démocratique et contribue à monter les Tunisiens les uns contre les autres. C’est extrêmement dangereux."

Les récents évènements – manifestations violentes devant une télévision publique après la diffusion du film "Persépolis", prise à parti du doyen de la faculté de Sousse après son refus d’inscrire deux jeunes filles portant le niqab – ont encore un peu plus enflammé le débat. Les salafistes, minoritaires dans le pays, chercheraient-ils à saper le processus électoral ? Les anciens caciques du régime de Ben Ali seraient-ils derrière ces évènements ? Beaucoup de gens ont aujourd’hui intérêt à ce que ces élections historiques se passent mal.

De son côté, le parti islamiste Ennahdha clame à qui veut l’entendre qu’il souhaite jouer pleinement le jeu démocratique. Ses représentants condamnent les dérives extrémistes et se réclament d’un islam modéré, proche de l’AKP turc. Ils mettent en avant un programme qui – sur le papier – n’est pas si éloigné de celui des sociaux-démocrates. "Jugez-nous sur nos actes et nos propositions, pas sur des présomptions!" : voilà en substance les revendications des partisans d’Ennahdha.

Double discours ou véritable changement idéologique ? Il est trop tôt pour le savoir. Néanmoins, même si le parti est crédité d’un bon score – entre 20 et 30% selon les sondages – il ne pourra pas obtenir la majorité absolue. Le mode de scrutin choisi – la proportionnelle avec le plus fort reste - ne favorise pas les grandes formations. D’autres partis sont également en train de se démarquer, notamment le Parti Démocratique Progressiste (nationaliste, radical de gauche) et Ettakatol (social-démocrate). Au lendemain des élections, Ennahdha sera sûrement obligé de composer des alliances si il veut faire entendre sa voix.