Ce dimanche, les sympathisants de gauche sont invités à choisir le candidat socialiste qui les représentera pour la présidentielle de 2012. La veille encore, l’incertitude sur le taux de participation rendait les pronostics délicats.
Pour la première fois en France, tous les citoyens qui le souhaitent sont invités ce dimanche à élire le candidat qui portera les espoirs du Parti socialiste (PS) à la prochaine présidentielle 2012. Parce qu'il est inédit, ce scrutin électoral à deux tours soulève de nombreuses interrogations : combien de sympathisants vont se rendre aux urnes ? Les militants de droite et d'extrême droite iront-ils voter afin d'influencer le scrutin réservé pourtant aux sympathisants de gauche ? Quant aux résultats, réserveront-ils des surprises ? "On ne peut absolument pas savoir ce qui va se passer", a affirmé vendredi, à l’AFP, Rémi Lefebvre, professeur de Sciences politiques à l'université de Lille et spécialiste du PS. Tour d’horizon des grandes inconnues qui entourent ce scrutin inédit.
- Combien d’électeurs se déplaceront ?
Personne ne peut le dire. Mais une mobilisation réussie serait un pied de nez au parti présidentiel qui a longuement critiqué ces derniers mois la tenue d'un tel scrutin arguant même du danger d'un possible fichage politique pour les électeurs.
Près de 10 000 bureaux de vote sont installés partout en France dans des lieux publics où sont organisés traditionnellement les scrutins républicains (écoles, mairies, gymnase...).
Ils sont ouverts de 9 heures à 19 heures. Ces lieux sont localisables sur le site lesprimairescitoyennes.fr. Le PS a également mis en place une permanence téléphonique pour tout renseignement : 0 825 05 20 12.
Dans les pays européens qui ont déjà organisé des primaires, comme l’Italie, le processus a mobilisé 10 % du corps électoral. Un pourcentage qui équivaudrait à peu près à 4 millions d’électeurs dans l’Hexagone. Il s'agirait d'une mobilisation record que la gauche n’ose espérer (pour rappel, le Parti socialiste compte environ 200 000 membres et la France 43,2 millions d’électeurs inscrits sur les listes). "Les gens qui disent ‘avoir envie’ d'aller voter iront-ils réellement ?", questionne le politologue Gérard Grunberg, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de la gauche et du PS.
Le Parti socialiste table plutôt sur la participation d’un million de personnes. Un nombre réaliste estime l’avocat Jean-Pierre Mignard, qui préside la Haute autorité chargée de veiller au bon déroulement de ce processus. "Peut-être qu’aujourd'hui, avec les scores d’écoute et l’intérêt public, on peut tabler sur 1 à 2 millions d'électeurs (…) Cette barre de deux millions, si elle était atteinte, ne nous surprendrait pas." Jean-Pierre Mignard rappelle que 5,6 millions de bulletins ont été prévus pour chaque candidat, ce qui "devrait nous mettre à l'abri d'une surprise, qui serait d'ailleurs une merveilleuse surprise."
- Le PS doit-il craindre un "vote parasite" ?
Comprendre : Doit-il craindre une mobilisation des militants de droite et d’extrême droite, qui viendraient voter dans le but d'influencer les résultats de cette primaire ? Si la question fait partie des préoccupations des socialistes, elle est néanmoins jugée "dérisoire" par la direction du Parti. Sur le papier pourtant, rien n’interdit à cet électorat d'opposition de prendre part à la consultation, si ce n’est leur propre orientation politique. En effet, tous les électeurs français peuvent voter, à condition de payer un euro pour les frais de participation et de signer une "Charte d’adhésion aux valeurs de la gauche".
Une autre question se pose : pour qui voteront les sympathisants de gauche non-affiliés au PS (les communistes, les verts…) ? L’électorat écologiste, par exemple, "qui vote plutôt Aubry, sera-t-il nombreux ? Les électeurs les plus à gauche voteront-ils Aubry ou Montebourg ?", s’interroge Rémi Lefebvre. De son côté, Gaël Sliman, directeur du pôle Opinion de l'institut de sondage BVA, parie que la proportion de non-socialistes qui se déplaceront pour voter sera de "50 % dont un quart d'écologistes ou autres composantes de la gauche, un dixième de droite et le reste d'électeurs n'ayant pas forcément de préférence politique."
- Quel sera le comportement de l’électeur ?
On le sait, François Hollande, l’un des six candidats et favori des sondages, est donné comme le grand gagnant de cette élection. "Les jeux sont faits", avait même déclaré récemment avec aplomb Pierre Moscivici, son directeur de campagne. Mais dans les urnes, une telle assurance ne flirte-t-elle pas avec le risque d'une démobilisation des votants, qui pourraient estimer que la victoire est jouée d’avance ?
Pour le moment, souligne Stéphane Rozès, politologue interrogé par l’AFP, Hollande semble le mieux placé pour battre Nicolas Sarkozy. "Si la dynamique, c’est de mettre toutes les chances pour gagner contre le président actuel, alors le vote Hollande sera favorisé dès le premier tour." Toutefois, nuance-t-il, prudent, "si, au contraire, l'électorat veut se démarquer des sondages et donner du ‘contenu’ à son vote, il peut y avoir des surprises en faveur des outsiders Manuel Valls et Arnaud Montebourg".
De son côté, Martine Aubry, la principale rivale du député de Corrèze, croit dur comme fer à sa propre victoire. "J’attends avec gourmandise le débat contre Nicolas Sarkozy", avait-elle lâché lors de son meeting à Paris, jeudi 6 octobre.
Selon une enquête Harris Interactive pour LCP publiée vendredi, 40 % des 1 855 sympathisants de gauche interrogés les 5 et 6 octobre souhaitent une victoire du député de Corrèze, contre 29 % pour la maire de Lille. Mais les sondages ont leur limite comme a pu le constater récemment Nicolas Hulot, grand favori de la primaire écologiste du 12 juillet, qui a pourtant été battu par Eva Joly avec 58 % des voix... Alors, sondage prophétique ou pronostic hasardeux ? La réponse est prévue dimanche à partir de 23 h.