À la surprise générale, Jean-Louis Borloo a annoncé dimanche le retrait de sa candidature dans la course à la présidentielle de 2012. Une décision qui modifie l’échiquier politique à sept mois de l’échéance électorale.
Il aura finalement reculé. Alors que depuis son départ de la majorité présidentielle (UMP) en avril 2011, Jean-Louis Borloo n’avait cessé de sous-entendre qu’il s’engagerait dans la course à la présidentielle, le président du Parti radical et leader de l'Alliance des centres a finalement renoncé à concourir pour la magistrature suprême.
À sept mois de l’échéance électorale, l’ex-ministre de l’Écologie - qui a pris de court ses fidèles lieutenants (voir vidéo ci-contre) - a fait mouche en annonçant, dimanche soir sur TF1, que la dynamique centriste, qu’il avait lui-même insufflée, "n’était pas suffisante pour porter une candidature (…) au second tour de la présidentielle (…) Les temps sont suffisamment troublés pour ne pas ajouter de la confusion à la confusion", a-t-il déclaré. "La vérité, c'est que les centres n'ont jamais été aussi éclatés, en compétition même entre eux." Lui qui nourrissait le dessein de doubler Nicolas Sarkozy en 2012 ne sort donc pas les armes.
itUn retrait étonnant au moment même où la majorité présidentielle traverse une mauvaise passe politique – qui lui aurait peut-être permis de sortir son épingle du jeu. Nicolas Sarkozy dégringole dans les sondages (68 % des Français ne le voient pas au second tour de la présidentielle, selon un sondage Viavoice pour Libération) et l'UMP vient de perdre les élections au Sénat, qui pour la première fois sous la Ve République est passé à gauche.
Pressions du gouvernement ?
Outre cet argument d"'éclatement", Borloo a-t-il craint de faire le jeu du Front National en maintenant sa candidature ? C’est en tout cas le second argument avancé par le politique dimanche. "Dans ces périodes [de crise économique et sociale] la perte de repère, le désarroi, amènent vers les extrêmes" a-t-il déclaré. Depuis des mois, l’UMP agite le spectre d’un nouveau "21 avril" en cas de candidature centriste.
Un argumentaire qui peine à convaincre Daniel Boy, spécialiste politique au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Selon lui, il est hautement probable que l’ex-ministre ait été victime de pressions venues des hautes sphères de l’État. "Au-delà de sa démotivation ou de son manque de volonté, on peut assez facilement imaginer que le repli de Jean-Louis Borloo n’est pas étranger à des pressions directes du gouvernement", avance le spécialiste. "La droite est partagée entre de nombreux candidats potentiels : Dominique de Villepin, Hervé Morin, Jean-Louis Borloo, François Bayrou. Évidemment, tout cela est dangereux pour le candidat Sarkozy… L’évincer c’est redonner un bol d’air frais à la Sarkozie." Un avis que partage Jean-Marc Lech, président de l’institut de sondage Ipsos, interrogé par FRANCE 24. "Il a sûrement reçu de fortes pressions de l’Élysée qui ne pouvait se permettre une candidature Borloo", souligne-t-il.
Aurait-il alors pu négocier son retrait ? "Ce n’est pas impossible", ajoute Daniel Roy, "Peut-être a-t-il reçu des ‘promesses’, des contreparties à venir, notamment autour des prochaines législatives [les 10 et 17 juin 2012]", poursuit-il. Jean-Louis Borloo se défend pourtant d’avoir pactisé avec la majorité. "Je n’ai rien demandé, rien négocié et surtout rien abandonné", a-t-il écrit sur son site du Parti radical, le jour même de son interview sur TF1.
Borloo fait-il le jeu de la gauche ?
Reste une question : à qui profiteront les 7 % d'intentions de vote dont était crédité l'ancien candidat dissident ? Si pour certains, Nicolas Sarkozy renforce sa position après le retrait de son ancien lieutenant, pour d’autres, comme Jean-Christophe Lagarde, député Nouveau-Centre, ce renoncement fait aussi la part belle à la gauche. "Le centre [de François Bayrou] prêt à s’allier avec François Hollande en sort renforcé, c’est regrettable", a-t-il estimé, hier, selon des propos rapportés par Libération.
Côté Parti socialiste, Pierre Moscovici, coordinateur de la campagne de François Hollande à la primaire PS, se félicite de la non-candidature de Jean-Louis Borloo, une chance, selon lui, pour son parti. "Les électeurs du centre, ceux qui rejettent cette droite sarkozyste arrogante et injuste, ne vont pas se reporter sur Nicolas Sarkozy", a-t-il affirmé sur LCI, lundi. "Regardez ce qui s'est passé au Sénat, ce sont ces électeurs-là, les électeurs modérés que la droite UMP estimait acquis à sa cause qui, justement, ne sont pas venus la soutenir", a-t-il également fait valoir. L’abandon du président du Parti radical n'est donc "pas forcément une si bonne nouvelle que ça pour Nicolas Sarkozy, qui me paraît vraiment empêtré dans des calculs politiciens et à courte vue", a ajouté le député du Doubs.
Une analyse que partage Dominique Paillé, fidèle soutien de Jean-Louis Borloo. Selon lui, Nicolas Sarkozy ne récoltera pas les voix de l'ex-candidat. "Les centristes qui ne voulaient pas voter Sarkozy ne le feront pas davantage maintenant (...) Les 7 à 8 % dont il était crédité devraient profiter à François Bayrou d'abord (...)"
Autant de pronostics qui devraient un peu bousculer l'échiquier politique pour les mois à venir, estime Roselyne Febvre, spécialiste politique sur FRANCE 24. "Premièrement, parce que le parcours de Sarkozy se retrouve soudainement moins semé d’embûches. Secundo si Hollande remporte la primaire socialiste, il pourrait mordre sur l’électorat du centre. Et enfin, parce que ce retrait ouvre la voie à François Bayrou (MoDem) qui peut à nouveau trouver des raisons de s'épanouir au Centre."