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Discriminations et arrestations arbitraires, le quotidien des homosexuels camerounais

Deux Camerounais, interpellés en juillet, ont comparu mardi devant la justice de Yaoundé pour pratiques homosexuelles dans un pays où elles sont interdites et passibles de 5 ans de prison. Depuis 2005, l'homophobie connaît un nouvel élan.

Être homosexuel c'est être criminel, au Cameroun. Deux jeunes hommes arrêtés le 26 juillet dernier comparaissent une nouvelle fois devant la justice camerounaise ce mardi. Leur tort ? Avoir été surpris par la police devant une boîte de nuit de la capitale, Yaoundé, en plein acte sexuel avec un troisième homme, à bord de leur véhicule.

Les détenus 347 bis

Détenus depuis dans la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, Jonas et Francky, 19 et 20 ans, ont été inculpés pour homosexualité, au titre de la Section 347 bis du Code pénal camerounais qui érige en infraction les actes sexuels entre personnes du même sexe. Ils sont passibles de six mois à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende allant de 20 000 à 200 000 francs CFA (30 à 300 euros).
Lors d’une première audience le 18 août dernier, les deux prévenus avaient plaidé "non coupables", mais leur demande de liberté provisoire avait été rejetée par le tribunal de première instance.
Jonas et Francky ne sont ni les premiers ni les derniers à tomber sous le coup de la Section 347 bis. En vigueur depuis 1972, l’article est appliqué ces dernières années avec un zèle renouvelé. En mars 2011, Jean-Claude Roger Mbede a été condamné à 36 mois de prison pour avoir envoyé des SMS à un autre homme. En 2009, cinq Camerounais ont été arrêtés, parmi lesquels "quatre ont séjourné en prison à Douala et Ebolowa", dans le sud, selon Alternatives-Cameroun, qui réclame la dépénalisation de l'homosexualité au Cameroun. Et les exemples similaires sont innombrables.
Arrestations à répétition
En 2005, l’homophobie a franchi une nouvelle étape, attisée notamment par l'Église surpuissante et par la presse populaire. Lors de son homélie du 25 décembre, l’archevêque de Yaoundé, Victor Tonyé Bakot, a dénoncé en chaire l’homosexualité, la désignant de "perversion" tout en accusant la communauté gay d’être responsable de la corruption et du chômage dans le pays. Dans les semaines suivantes, trois titres de la presse camerounaise ont publié des listes de personnalités, hommes politiques, d'affaires ou artistes, soupçonné s d'homosexualité. 
Human Rights Watch et la Commission pour les droits humains des gays et lesbiennes (CDHGL), associées aux structures nationales Alternatives-Cameroun et l'Association camerounaise pour la défense de l'homosexualité, ont publié un rapport en novembre 2010 dénonçant des arrestations à répétition : "Le 21 mai 2005, la police a procédé à l'arrestation de 32 personnes dans une boîte de nuit de Yaoundé, la première d'une série d'arrestations et de poursuites retentissantes", indique le rapport tout en pointant le durcissement du régime de Paul Biya à l’égard des homosexuels.
Une fois incarcérés, les homosexuels surnommés "détenus 347 bis" sont victimes de traitements particuliers, explique le rapport : "Les policiers frappent au corps, à la tête et à la plante des pieds les individus qu'ils soupçonnent d'être homosexuels" et "ordonnent parfois des examens de la région anale inhumains, dégradants et intrusifs, dans le but de démontrer la pratique habituelle de la sodomie, qui ne peut pourtant être ainsi prouvée scientifiquement".
L’Afrique homophobe ?

Alors que de plus en plus de pays occidentaux autorisent le mariage gay, en Afrique au contraire, la pénalisation de l’homosexualité reste la règle. Selon les chiffres de la CDHGL, plus de deux tiers des pays africains criminalisent les rapports sexuels consentis entre individus de même sexe. En mai dernier, un député ougandais a présenté un projet de loi, reporté sine die, qui pourrait rendre passible de peine de mort les homosexuels. 

La CDHGL a recensé des attaques et arrestations arbitraires au Burundi, Ghana, Nigeria, Afrique du sud, Ouganda et Cameroun, pays où les homosexuels sont également victimes de discriminations quotidiennes, atteintes aux libertés fondamentales, refus d’accès aux soins,  à l’éducation, etc…
Le sociologue camerounais Charles Gueboguo, auteur de plusieurs ouvrages sur la question homosexuelle en Afrique, estime que l'homophobie latente est "instrumentalisée à des fins politiques": "Au Cameroun, des arrestations d’homosexuels ont lieu régulièrement. (…) Si les gens protestent contre la famine, la mauvaise gouvernance, les abus, on leur livre des homosexuels", expliquait-il dans un entretien à Libération en mai dernier.
Par ailleurs, dans les discours populaires et politiques, l'homosexualité reste souvent considérée comme un phénomène importée d’Occident, étranger à la "culture locale". Un argument déconstruit par Jann Halexander, Franco-gabonais membre de l'association Tjenbe red qui défend en France les droits des homosexuels noirs et métis, contacté par FRANCE 24 : "On dit souvent que l’Afrique est homophobe mais il y a des millions d’Africains qui ne le sont pas et il y a beaucoup plus d’homosexuels et bisexuels que ce que l’on pense en Afrique. Dans mon pays au Gabon, où l'homosexaulité est légale, il y a par exemple de plus en plus de bars et boîtes gays. C’est une société qui s’ouvre sur l’extérieur."
Le Gabon reste une exception à l'échelle du continent où la pénalisation a tendance à s'endurcir. Selon les associations, le Cameroun reviserait en ce moment le code pénal pour faire passer de 5 à 15 ans de prison le maximum de la peine pour homosexualité.

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