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Polémique autour du retour de la morale à l'école

Dans une circulaire parvenue aux enseignants jeudi, le ministre de l’Éducation Luc Chatel réintroduit l'enseignement de la morale à l'école primaire. Une mesure décriée par les syndicats d'enseignants.

À trois jours de la rentrée scolaire, les professeurs du primaire ne décolèrent pas. Déjà échaudés par l’annonce de nombreuses suppressions de postes, ces derniers ont fraîchement accueilli la décision du ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, de vouloir faire "revenir la morale" à l’école. Jeudi, ce dernier a publié une circulaire dans laquelle il demande aux enseignants de "consacrer régulièrement quelques minutes à un petit débat philosophique, à un échange sur la morale".

"Il s'agit avant tout d'aider chaque élève à édifier et renforcer sa conscience morale dans des situations concrètes et en référence aux valeurs communes à tout honnête homme", a expliqué le ministre. Parmi les thèmes que Luc Chatel souhaite voir abordés : la distinction "du vrai et du faux, le respect des règles, le courage ou la franchise", a énuméré celui-ci dans une interview publiée le 31 août dans le quotidien "Le Parisien-Aujourd’hui en France".

"Diversion", "écran de fumée", "contre-feu"

Une annonce qui n’a pas tardé à créer la polémique. "Il s’agit d’un écran de fumée destiné à masquer les véritables problèmes de l’école, que ce soit les suppressions de postes ou bien le manque de moyens mis en œuvre dans les établissements pour aider les élèves en difficulté", a immédiatement riposté Christian Chevalier, secrétaire général du syndicat d’enseignants SE-UNSA, quii fustige également une "opération de communication" de son ministre de tutelle. "En période électorale, ce genre de thématiques revient souvent. La question de l’enseignement de la Marseillaise aurait, elle aussi, pu revenir sur le devant de la scène", ironise-t-il.

"Les enseignants n’ont pas attendu la circulaire du ministre pour éduquer les élèves sur le ‘vivre ensemble", renchérit Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, le premier syndicat d’enseignement dans le primaire. Et d’ajouter : "Ce n’est qu’un contre-feu aux véritables problèmes de cette rentrée que sont les 16 000 suppressions de postes ou le manque de formation des enseignants."

Du côté de l’opposition également, la décision de Luc Chatel a provoqué de nombreuses réactions. Par la voix de sa première secrétaire, Martine Aubry, le Parti socialiste a ainsi dénoncé une tentative de "aire diversion" pour éviter que l’on parle d’une "rentrée épouvantable".

Une circulaire "rétrograde"

L’initiative du ministre de l’Éducation nationale suscite d’autant plus d’agacement dans les milieux enseignants que ce n’est pas la première fois que la question d’introduire des cours de morale à l’école est soulevée.

"Le ministre veut faire faire croire à l’opinion publique qu’il s’agit d’une idée neuve, mais ce n’est pas le cas", relève Christian Chevalier, qui rappelle qu’en 2008 déjà, Xavier Darcos, alors en poste rue de Grenelle, avait remplacé l’éducation civique par "l’instruction civique et morale", dans le cadre d’une réforme des programmes du primaire. Le mot "morale", est repris intentionnellement pour "flatter" une partie de l’opinion publique, notamment en période électorale, reprend Sébastien Sihr. "Il évoque une sorte d’âge d’or de l’école, avec des relents conservateurs."

La circulaire est en outre bien plus "rétrograde" que veulent bien le laisser entendre les déclarations faites par le ministre dans la presse, poursuit Christian Chevalier, qui confie éprouver à son égard une "certaine inquiétude". Celui-ci relève en effet que la morale y est définie à plusieurs reprises comme la distinction entre le bien et le mal, comme "une question qui relève plus du catéchisme". Or, "on ne peut pas être aussi binaire. Ce comportement est inapproprié sur nombre de questions", ajoute-t-il.

Last but not least, l’apprentissage de maximes préconisé par la circulaire provoque l’ire des enseignants, qui jugent cette méthode pédagogique inadaptée à l’école d’aujourd’hui. Tous deux s’accordent en effet pour dire que l’éducation à la citoyenneté se fait tout au long de la journée,"dans la cour d’école, en classes, en prenant des exemples du quotidien et non en mémorisant des maximes d’une autre époque".

Or, "le rôle d’un ministère de l’Éducation n’est pas de regarder dans le rétroviseur, mais plutôt vers l’avant pour mieux éduquer les élèves à leur avenir", conclut Sébastien Sihr.

Tags: France, Éducation,