
Le projet ITER a franchi un nouveau cap : un composant-clé du futur réacteur a été inauguré fin janvier en Finlande. Le but est de reproduire l'énergie du soleil pour fabriquer une énergie inépuisable et propre. Un leurre selon les opposants.
"C'est l'un des premiers pas concrets et visibles de la construction d'ITER." Le 29 janvier, dans la ville finlandaise de Tampere, Didier Gambier, directeur de Fusion for energy, l'agence qui gère la contribution européenne à l'ITER, se
réjouissait de montrer au public du "concret" : le prototype d'un grand chariot qui servira à la manutention du réacteur.
Car le problème pour les partisans d'ITER, le "réacteur expérimental thermonucléaire international", c'est toujours de convaincre qu'il ne s'agit pas seulement d'un rêve de scientifiques.
Ce projet, officiellement lancé en 2006, vise à prouver qu'il est possible de fabriquer de l'énergie à partir de la fusion nucléaire - le même type de réaction que celle qui se produit dans le soleil. La construction de ce chariot de manutention inauguré en Finlande était un grand défi technique. Alors qu'aucun humain ne pourra pénétrer dans le réacteur, ce robot devra aller y chercher des pièces qui auront besoin d'être changées trois fois durant la durée de vie de l'ITER.
Une coopération mondiale inédite
L'Europe, qui a mis sur pied ce prototype, est chargée de fabriquer environ la moitié des composants du futur ITER. Le coût total du projet (construction, exploitation et démantèlement) a été estimé à 10 milliards d'euros, mais ce chiffre doit être revu à la hausse cette année. L'Union européenne financera 45% de la construction.
Les six autres partenaires - Japon, Etats-Unis, Russie, Chine, Corée du Sud et Inde - doivent contribuer chacun à hauteur d'environ 9%. "C'est une nouvelle échelle de collaboration industrielle, le plus grand projet scientifique du monde", estime Norbert Holtkamp, directeur général adjoint d'ITER.
La fusion nucléaire se veut une source d'énergie quasi-inépuisable, propre, économique et sécurisée. "Elle ne dégage pas de gaz à effet de serre et produit moins de déchets radioactifs, et de plus faible intensité", explique Didier Gambier. Les combustibles utilisés pour la fusion, le deutérium et le tritium, sont en outre issus de matériaux abondants dans la nature, l'eau et le lithium.
Un projet voué à l’échec ?
Côté sécurité, même Frédéric Marillier, spécialiste du nucléaire à Greenpeace et opposant au projet, l'admet : "ITER ne pose pas les mêmes problèmes que les centrales actuelles car la réaction ne risque pas de s'emballer". Il dit toutefois craindre "des fuites de tritium dans la nature".
Pour Stéphane Lhomme, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire, le problème est surtout de dépenser autant d'argent pour un projet qui, selon lui, "a 99% de chances" de ne pas aboutir. "On nous parle depuis 50 ans de 'pas décisifs', de 'pas de géant', mais plus les chercheurs avancent, plus ils se heurtent à des difficultés techniques", estime-t-il.
"Et si le projet aboutissait un jour, ce serait trop tard", ajoute-t-il. "Au mieux, l'énergie sera exploitée commercialem
ent à la fin du siècle - alors qu'en matière d'énergie et de climat, il y a urgence", déplore de son côté Frédéric Marillier, expliquant que l'argent pourrait servir à développer tout de suite les énergies renouvelables et à améliorer l'efficacité énergétique, par des travaux d'isolation des bâtiments par exemple.
C'est le sud de la France qui accueillera l'ITER - le centre d'études de Cadarache, dans la commune de Saint-Paul-lès-Durance. Les travaux, commencés en 2007, doivent se terminer en 2018. Ensuite aura lieu pendant vingt ans la phase de test : on devrait alors savoir si ça vaut la peine de persévérer dans cette voie.
Même si c'est le cas, l'électricité produite ne sera pas exploitée : ITER est un projet de recherche. Il faudra ensuite passer aux étapes suivantes : la construction d'un prototype industriel, puis d'autres réacteurs de fusion à but commercial, pour une exploitation à grande échelle de la technologie.