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Le Soudan du Sud, qui vient à peine de voir le jour, est en proie à de violentes rivalités internes. Doit-on craindre l’effondrement du nouvel État ? Éléments de réponse avec Jean Delors Biyongue, expert en politique africaine.

Moins de cinquante jours après la proclamation de son indépendance, le Soudan du Sud vacille déjà. Des affrontements entre deux communautés rivales, les Murle et les Lou Nuer, qui ont provoqué la mort d'au moins 600 personnes à Jonglei, dans la partie est du pays, viennent rappeler la fragilité de la cohésion sociale dans ce nouvel Etat du continent africain.

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Analyse : les prochains défis du Soudan du Sud
"Les autorités doivent vite s’inspirer du modèle sud-africain"

Trop longtemps, les dissensions opposant les tribus sudistes ont été occultées par les décennies de guerre opposant le Nord et le Sud du pays. "Les autorités du Sud blâment le Nord pour quasiment tous leurs problèmes, explique Jonathan Littell, envoyé spécial du quotidien Le Monde au Soudan. Mais beaucoup de problèmes sont liés à des questions autochtones". Autrement dit : des "problèmes sud-sud."

Jean Delors Biyongue-Bi-Ntougou, consultant spécialisé dans l'étude de la vie politique africaine et des questions de paix pour le cercle de chercheurs francophones du ROP, fait le point pour FRANCE 24 sur les périls et menaces pesant sur ce jeune État confronté à des tensions avec le Soudan voisin, et à des conflits intérieurs.

FRANCE 24 : 600 morts à Jonglei, avec à la clé des enlèvements d’enfants, des incendies dans des villages, et des pillages de bétails. Peut-on considérer que le Soudan du Sud, 193e Etat des Nations unies, est en danger ?

Jean Delors Biyongue : C’est plus un problème de cohésion sociale qui ne peut pas remettre en cause la volonté des Soudanais du Sud de construire leur Etat. Nous avons tous vu l’engouement de ce peuple autour du référendum de janvier dernier pour se débarrasser de la tutelle du Nord. Ils partagent les mêmes valeurs : ils ont opté pour l’anglais – alors qu’au Nord, c’est l’arabe - ; ils sont de sensibilité chrétienne et veulent bâtir leur pays sur des bases démocratiques.

Les récents affrontements entre les deux tribus peuvent être imputés à la jeunesse de l’Etat. Maintenant, ce dernier doit vite réagir pour résoudre définitivement les conflits internes qui gangrènent ses populations depuis des années - notamment pour tout ce qui concerne la répartition des terres. Les nouvelles autorités doivent profiter de cette crise pour prendre des mesures en vue d’une redistribution agraire équitable entre les différentes communautés locales.

FRANCE 24 : Doit-on craindre une fragmentation du nouvel Etat en raison de ces rivalités ?

J. D. B. : Pour éviter tout risque d’éclatement du pays, les autorités du nouvel Etat doivent vite s’inspirer du modèle sud-africain. Un modèle qui a réussi à créer une nation "arc-en-ciel" en Afrique du Sud. Cela passe, sur le plan politique, par l’intégration de toutes les tribus dans la vie politique. Sur le plan économique, par l’équilibre dans la répartition des ressources nationales – le pays détient un grand potentiel pétrolier - et sur le plan social, par la prise en compte des spécificités de chaque communauté du pays.

FRANCE 24 : Le Soudan du Sud, un des pays les plus pauvres au monde, a-t-il seulement les moyens de mettre en œuvre toutes ces mesures ?

J. D. B. : Il est nécessaire que les Etats-Unis, l’ONU et l’Union africaine qui ont accompagné ce pays jusqu’à son indépendance l’assistent dans cette période cruciale. Seule l’instauration d’une justice sociale peut permettre de briser les velléités tribales de chaque communauté du pays.