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Le régime de Damas reste sourd aux appels de la communauté internationale

Après l'appel de Washington et Bruxelles au départ du Bachar al-Assad, des manifestations ont été réprimées dans le sang, vendredi. Mais cette pression internationale, qui n'est pas pour autant unanime, peut avoir des effets pervers...

Pour la première fois depuis le début du mouvement de contestation syrien en mars dernier, les Etats-Unis et l’Union européenne ont ouvertement exigé hier le départ du président Bachar al-Assad. Un appel auquel est venu s’ajouter un nouvel éventail de sanctions économiques destinées à frapper "en plein cœur" le régime syrien. Dans le même temps, l’ONU publiait un rapport accablant sur la violence orchestrée par les forces de sécurité et l’armée contre la population civile. Des cas qui pourraient, selon les experts, relever de "crimes contre l'humanité".

Après avoir appelé le dirigeant syrien à procéder à des réformes et à mettre un terme à la campagne de répression, Washington et Bruxelles semblent désormais résolus à tourner la page Al-Assad. Reste à évaluer quelles conséquences pourraient avoir cette fermeté et cette détermination, notamment en Syrie.
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Des manifestations à nouveau réprimées dans le sang vendredi
Le régime de Damas reste sourd aux appels de la communauté internationale

"C’est le début de la fin de Bachar al-Assad"

Selon l’opposant syrien et directeur du Centre des études arabes et de l'Orient contemporain à la Sorbonne Bourhane Ghalioune, interrogé par FRANCE 24, "c’est le début de la fin de Bachar al-Assad car ces initiatives diplomatiques indiquent que la rupture est consommée entre le régime et la communauté internationale". Et d’ajouter : "C’est un message d’encouragement qui a été envoyé aux jeunes de la Révolution et je pense que le pouvoir va être rapidement confronté à une amplification des manifestations."
Cet atout psychologique en faveur de l’opposition, Rim Allaf, spécialiste des questions concernant le Moyen-Orient au sein du think tank britannique Chatham House, le relève également. "Les positions américaines et européennes auront un effet à long terme", assure t-elle à FRANCE 24, puisqu’en "cessant de réclamer des réformes et en condamnant plus fermement la répression, les Occidentaux ont répondu aux attentes de l’opposition. Le peuple syrien va avoir, pour la première fois, l’impression qu’il n’a pas été abandonné par la communauté internationale".

Un timing en question

Cependant, certains observateurs craignent que la démarche des Occidentaux profite paradoxalement au régime. "Même s’il fallait envoyer un message très fort contre l’arrogance affichée par les tenants du pouvoir, je ne suis pas sûr que le timing des puissances occidentales soit pertinent", tempère Samir Aïta, directeur de l'édition arabe du Monde diplomatique et membre du courant civil de l'opposition syrienne.
Dans un entretien accordé à France24.com, il avance que le message envoyé par les États-Unis pourrait être perçu négativement par certaines franges de la population qui redoutent l’après-Assad ainsi que par l’armée syrienne. "Contrairement à ce qui s’est passé en Egypte, où les militaires avaient plus de sympathie à l’égard des Américains, le message d’Obama peut renforcer la conviction au sein de l’armée qu’il existe bel et bien un complot étranger contre le pays, comme le suggère le pouvoir depuis le début du soulèvement", développe Samir Aïta.
Ce dernier aurait souhaité que la communauté internationale s’appuie davantage sur le rapport remis à Genève au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, pour sanctionner efficacement les responsables de la campagne de répression. "Il aurait été préférable que des sanctions plus ciblées soient adressées non seulement contre les auteurs des tueries, mais aussi les deuxième et troisième rangs des soutiens du pouvoir, afin de réduire rapidement la durée de vie du régime."
Un message symbolique
S’agissant des conséquences politiques, la charge diplomatique concertée des Occidentaux accentue indéniablement la pression sur le régime, mais les analystes s’accordent sur le fait que cette démarche restera de l’ordre du symbolique si d’autres puissances ne leur emboitent pas le pas.
"Après les prises de position de Washington et Bruxelles, je pense que certains pays comme l’Arabie saoudite, les émirats du Golfe et la Turquie doivent prendre des mesures pour resserrer l’étau sur le régime des Al-Assad, car ces derniers ne vont pas abandonner tout de suite le pouvoir", estime Rim Allaf. 
Ankara, pour ne citer qu’elle, ne semble pas encore prête à appeler au départ du président syrien. C’est ce qu’a confié vendredi à l'AFP, sous couvert d'anonymat, une source gouvernementale turque.
Moscou veut "donner du temps" au président Al-Assad
De son côté, l’universitaire Bourhane Ghalioune souligne le rôle de la Russie, qui "continue de soutenir le pouvoir" au nom de la politique de non-ingérence et des liens économiques et politiques qu’entretiennent depuis plusieurs décennies les deux pays. Sans surprise, Moscou a rejeté en bloc les appels à la démission de Bachar al-Assad. "Nous pensons qu'il est nécessaire à présent de donner du temps au régime du président Al-Assad pour réaliser toutes les réformes annoncées", a déclaré vendredi une source du ministère des Affaires étrangères à l'agence de presse russe Interfax.
Toujours est-il qu’en Syrie la répression s'est poursuivie ce vendredi - troisième du mois sacré de ramadan - où 19 personnes ont été tuées par les forces de sécurité, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH, basé à Londres).