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La mort du général Younès révèle des divisions au sein des insurgés

La mort du général Younès, ex-numéro deux du régime de Kadhafi passé du côté des insurgés en février, inflige un revers au Conseil national de transition. Elle met en lumière les ambiguités du ralliement des anciens caciques du régime.

Règlement de compte interne à la rébellion, exécution menée par des hommes de Kadhafi ou opération d’Al-Qaïda, les circonstances de la mort, jeudi, du chef militaire rebelle libyen, Abdel Fatah Younès, demeurent confuses.

Selon la thèse officielle du Conseil national de transition (CNT), le général Younès, ex-numéro 2 du régime de Kadhafi rallié aux insurgés en février, aurait été tué – en compagnie de deux colonels - par un groupe d’hommes armés sur la route le conduisant à Benghazi. Il avait été rappelé dans le fief des insurgés pour y être interrogé par une commission d'enquête au sujet des opérations militaires dont il était en charge. Son corps, criblé de balles et partiellement brûlé avait été retrouvé vendredi matin dans les faubourgs de Benghazi d'après l'AFP.

Faisant fi d’un large spectre de rumeurs selon lesquelles les insurgés l'auraient eux-mêmes assassiné, le CNT a affirmé qu’un suspect - un chef d'un groupe armé islamiste Jirah Ibn al Obeidi - avait été arrêté. "Il est en prison maintenant", a déclaré Ali Tarhuni, chargé des affaires économiques au sein du CNT, en précisant que la motivation de ce combattant mis aux arrêts n'était pas claire. "Nous ne savons pas pour qui il travaillait", a-t-il dit.

Le Conseil national de transition a également dénoncé la responsabilité du Guide libyen dans cet assassinat. "L'intervention de Kadhafi est très claire dans cette affaire", avait déclaré vendredi un haut responsable des rebelles, ayant requis l’anonymat. 

Un traître aux yeux des kadhafistes

De son côté, le régime du colonel Kadhafi se défend de toute implication. Selon Ibrahim Moussa, le porte-parole du gouvernement, ce sont les islamistes qui ont commandité cet assassinat ciblé. "Al-Qaïda voulait marquer sa présence et son influence dans cette région de l'est contrôlée par la rébellion", a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse, vendredi. "Les membres du Conseil national de transition ne pouvaient pas réagir parce qu'ils sont terrifiés par ce mouvement."

Membre du groupe qui porta Mouammar Kadhafi au pouvoir par un coup d’État en 1969, Abdel Fatah Younès était, jusqu’en février dernier, le bras droit du Guide libyen.

Ex-ministre de l'Intérieur, puis chef des commandos du colonel Kadhafi, cet homme né en 1944 dans l’est de la Libye, a changé de camp dès le début du soulèvement populaire, à la mi-février, et rejoint la rébellion avant d’être nommé chef d'état-major des troupes rebelles. Sa défection a été jugée comme un affront au Guide libyen qui n’aurait pas digéré cette "trahison". Sa tête aurait alors été mise à prix pour deux millions et demi de dollars.

Un espion aux yeux des rebelles

Mais si les kadhafistes le considéraient comme un traître, une partie de la rébellion ne le considérait pas pour autant comme un des leurs. Beaucoup sont restés méfiants à son égard en raison de sa longue relation avec le Guide libyen, une promiscuité que ne lui a pas pardonnée une partie des rebelles. Le général était d'ailleurs "soupçonné d'avoir mené des discussions secrètes avec le gouvernement de Mouammar Kadhafi", selon l’agence de presse britannique Reuters.

En tout état de cause, sa mort porte un coup sévère à la rébellion au moment où celle-ci progresse sur le front diplomatique – ayant gagné la reconnaissance de la part de plus d’une trentaine de pays – ainsi que sur le terrain militaire, avec des avancées jusqu'au port de Brega (est) et dans les montagnes au sud-ouest de la capitale.

Cet assassinat a révélé "les schismes qui sont apparus ces derniers mois au sein du CNT", a estimé Geoff Porter, du cabinet de consultants North Africa Risk, interrogé par l’agence Reuters. Le CNT, de son côté, tente plus que jamais de faire bonne figure. "Je vous demande de ne pas prêter attention aux rumeurs que les forces de Kadhafi essaient de propager dans nos rangs", avait déclaré Moustapha Abdeljalil, jeudi soir. "Personne ne dispose de toutes les réponses, mais cela viendra avec le temps", a-t-il encore ajouté vendredi. "Les gens savent que ces rumeurs sont dans l'intérêt de Kadhafi (…)."