Les Hispaniques, plus grande minorité des États-Unis, n'ont pas de culture de la participation politique. En Arizona, fief du sénateur McCain, l'organisation Mi Familia Vota fait de son mieux pour les pousser aux urnes.
Lire aussi le carnet de route de notre envoyée spéciale à Chicago, Leela Jacinto.
• Photos : panorama de la campagne
• Les dossiers : comparez les programmes
• La carte des "swing states" / Convention démocrate / Convention républicaine
Arizona - "Bonjour, je m'appelle Emmanuel, je travaille pour Mi Familia Vota, et je veux juste m'assurer que vous savez où voter mardi." Ces quelques mots, Emmanuel Gallardo, étudiant de 22 ans, les a répété à maintes reprises, en anglais et en espagnol, depuis qu'il a commencé en août à démarcher chez eux les Hispaniques de Phoenix.
Emmanuel s'est efforcé de composer avec la mauvaise humeur des gens, les labyrinthes de certains immeubles et la chaleur torride, car il explique que le 4 novembre, jour de l'élection, chaque vote va compter. "Au bout d'un moment, cela peut être ennuyeux, mais ça en vaut la peine", assure-t-il.
Ce que Emmanuel Gallardo et Mi Familia Vota ("Ma famille vote") font en Arizona, de nombreuses autres organisations à travers le pays l'ont réalisé. La question de la participation est cruciale pour les campagnes républicaine et démocrate. Mais au sein de la communauté hispanique, l'enjeu est encore plus important. Les Hispaniques se sont longtemps tenus à l'écart de l'isoloir, en raison de la complexité du système électoral américain et du sentiment que leur vote passerait inaperçu. Ils représentent actuellement le tiers de la population de l'Etat de l'Arizona, mais, en 2004, seuls 13% d'entre eux ont voté.
Ben Monterroso, directeur de Mi Familia Vota, a immigré aux Etats-Unis illégalement depuis son Guatemala natal. Il explique : "Ce que nous faisons s'inscrit dans la lignée du grand mouvement de protestation de 2006-2007, contre l'échec du Congrès à voter une réforme de l'immigration. A ce moment-là, le slogan était 'Aujourd'hui nous manifestons, demain nous voterons'."
Développer une culture de la participation politique
Carlos Duarte qui coordonne l'action de Mi Familia Vota en Arizona observe qu'en 2008, alors que 85% des Hispaniques du pays affirmaient être intéressés par le vote, 92% d'entre eux ont déclaré ne pas savoir comment voter.
Pour palier à ce besoin, Mi Familia Vota a dressé une liste des Hispaniques en droit de voter à l'échelle de l'Etat qui n'ont pas participé aux dernières élections. Près de 70 employés et de nombreux volontaires ont ensuite pris contact avec ces personnes, par email, par téléphone ou directement en frappant à leur porte. Les Hispaniques, leur ont-ils dit, doivent se faire entendre auprès des politiques fédéraux ou nationaux.
Leurs efforts semblent déjà porter fruit. Angela Acosta, 78 ans, a du mal à rester en position debout pendant un laps de temps trop long et dépend de ses enfants pour sortir de chez elle. Lorsqu'elle a vu à la télévision une publicité pour Mi Familia Vota, elle a immédiatement appelé. "Ils ont été vraiment gentils et sont venus deux fois me montrer comment remplir les papiers pour voter et les envoyer par mail", témoigne-t-elle.
Un soutien grandissant pour Obama
Bien que Mi Familia Vota soit une association non partisane, le soutien de la communauté envers le candidat démocrate Barack Obama est palpable. Mais la communauté n'est pas monolithique rappelle Ben Monterroso, directeur national de l'association. "En 2004, 43% des Hispaniques ont voté pour George W. Bush. En 2008, seuls 23% soutiennent le candidat républicain John McCain selon les sondages ", observe-t-il. "On ne vote pas tant pour un candidat que pour des enjeux."
Avec ses quatre enfants, Angela Accosta a franchi la frontière américaine en 1962. Elle a suivi son mari, qui s'était installé en Arizona à la recherche d'une vie meilleure. Elle a pris sa retraite il y a trois ans, après une succession de jobs divers, dans des champs de coton, dans une usine de pièces d'avions et dans une maison de retraite, où son mari est décédé. "Je vote pour Obama, parce qu'il essaye d'aider les gens pauvres, dit-elle. Je n'ai moi-même besoin de rien, mais je vote pour les jeunes qui viennent faire leur vie ici."
Economie et immigration en tête des priorités
L'économie est la principale question qui préoccupe Angela Accosta. Elle n'est pas différente en cela du reste de l'électorat américain. L'affaire immobilière de son fils a été durement frappée par la crise des crédits. "Je m'inquiète pour lui”, confie-t-elle.
L'immigration est également en bonne place sur la liste des priorités de cette campagne. Le 4 novembre, les électeurs sont également appelés à choisir les représentants de leur Etat et un certain nombre d'élus locaux comme les chefs de police. Cette question revêt une importance particulière à Phoenix où le shérif actuel, qui s'est auto proclamé "flic le plus dur d'Amérique", brigue un nouveau mandat.
La communauté hispanique reproche au shérif Joe Arpaio d'avoir tenu une politique anti-immigration sous prétexte de combattre l'immigration illégale. On l'a accusé d'arrêter de manière systématique des personnes qui avait l'air hispaniques, quel que soit leur statut légal.
"C'est l'une des motivations les plus importantes ici pour aller voter, explique Akemy Flores, 21 ans, une organisatrice de Mi Familia Vota. On connaît tous au moins une personne sur laquelle Sheriff Arpaio a enquêté."
Nous retrouvons Emmanuel Gallardo dans la rue où nous l'avions laissé plus tôt. Prenant congé de la famille à qui il a rappelé de voter, il conseille: "si vous voulez voter mardi, allez y tôt. Ma mère y est allée hier (dernier jour du vote anticipé, ndlr) et il y avait une queue de quatre heures." Avant d’ajouter en s’essuyant le front: "Je ne me rappelle pas avoir vu les Hispaniques aussi enthousiastes pour une élection."