
Le gouvernement a demandé à deux autorités de régulation si elles n'avaient pas "d'inquiétudes supplémentaires" sur un éventuel rachat du bouquet satellite par Rupert Murdoch après le scandale ayant touché le News of the World, qui lui appartenait.
AFP - Le gouvernement britannique cherchait d'urgence lundi une porte de sortie pour repousser voire annuler le rachat du bouquet satellitaire BSkyB par Rupert Murdoch, un dossier désormais au coeur de la crise née du scandale des écoutes par un tabloïde du groupe.
En charge de ce dossier, le ministre de la Culture Jeremy Hunt a saisi deux instances de régulation pour réclamer leur "avis" sur les derniers développements de l'affaire, ce qui pourrait l'aider à bloquer pendant de nombreux mois une opération devenue explosive politiquement.
Le vice-Premier ministre Nick Clegg, chef de file des libéraux-démocrates membres de la coalition au pouvoir, a directement appelé M. Murdoch à prendre en compte le "dégoût" de l'opinion et à reconsidérer son offre d'achat.
Signe que l'horizon s'obsurcit sérieusement, les investisseurs ont lourdement sanctionné le titre BSkyB à la Bourse de Londres, où il a perdu près de 15% depuis l'éclatement du scandale.
C'est aussi la preuve que la fermeture du News of the World, qui a publié dimanche son dernier numéro après 168 ans d'existence, n'a pas provoqué l'électrochoc escompté par M. Murdoch, arrivé ce week-end à Londres pour reprendre les choses en main.
L'attention se concentre sur le sujet qui, de l'avis général, tient le plus à coeur au magnat de la presse de 80 ans: la prise de contrôle des 61% de BSkyB qu'il ne détient pas encore. Il veut bénéficier des formidables profits générés par le bouquet satellitaire pour financer sa stratégie britannique et imposer sa politique d'un accès payant aux journaux en ligne.
Un échec de cette opération à plus de 10 milliards d'euros signerait une défaite sans précédent pour News Corp, le groupe de M. Murdoch, soulignent les analystes. Et offrirait une victoire tout aussi éclatante à ses nombreux adversaires, qui accentuent d'autant la pression sur le Premier ministre David Cameron.
Considéré comme un proche de M. Murdoch, auprès duquel il s'est publiquement affiché dans le passé, M. Cameron se trouve dans une position très délicate depuis les révélations sur l'ampleur des écoutes du News of the World.
Alors qu'un feu vert final au rachat de BSkyB semblait imminent il y a une semaine, son gouvernement tente maintenant de rétropédaler sans trop perdre la face ou risquer des poursuites juridiques de News Corp.
Le ministre de la Culture s'est adressé simultanément lundi à deux organismes, le régulateur des télécommunications, l'Ofcom, et la Commission de la concurrence. Il leur a demandé s'ils avaient des "inquiétudes supplémentaires" au regard des derniers développements.
L'Ofcom a le pouvoir de dire si BSkyB --dont le président est James Murdoch, le fils du magnat de la presse, en tant qu'actionnaire principal-- reste un opérateur "apte et convenable" comme l'exige la loi. Et la Commission de la concurrence mettrait plusieurs mois à rendre ses conclusions.
Le leader de l'opposition travailliste Ed Miliband a jeté ses forces dans la bataille, sachant qu'elle est sans doute la plus délicate pour M. Cameron depuis son accession au pouvoir, au printemps 2010.
Il a annoncé son intention de déposer rapidement une motion au Parlement pour réclamer un gel du dossier, dans l'attente des conclusions de l'enquête policière.
Or les élus libéraux-démocrates, partenaires de la coalition mais aussi opposants déclarés de Rupert Murdoch, pourraient voter ce texte avec les travaillistes, et infliger ainsi un camouflet au Premier ministre.
Quant à Rupert Murdoch, il s'est affiché ce week-end en compagnie d'une des figures les plus controversées du scandale, Rebekah Brooks, directrice générale des titres britanniques du groupe qui pourrait être bientôt entendue par la police. Car la chute de celle qui fut surnommée "la reine des tabloïdes" placerait en première ligne James Murdoch, l'héritier de l'empire.